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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/352

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mais les siennes propres que le Christ nous a données.
Rougissons donc de honte, chers auditeurs, et présentons le spectacle d’une vie meilleure ; puisque le Christ nous donne lui-même comme un signe dune grande amitié, de nous avoir révélé ses secrets, quand il dit : « Désormais je ne vous appellerai plus serviteurs ; car vous êtes tous mes amis, puisque je vous ai annoncé tout ce que j’ai appris de mon Père » (Jn. 15,15), c’est-à-dire, je vous l’ai livré en toute confiance. Or, se livrer en confiance est la seule preuve d’amitié ; combien la preuve n’est-elle pas plus forte quand le Christ nous a confié les mystères non seulement de ses paroles, mais de ses actions ? Rougissons donc là-dessus ; et si nous ne tenons pas grand compte de l’enfer, que ce soit pour nous une chose plus terrible que l’enfer, de nous montrer injustes et ingrats envers un tel ami, envers un tel bienfaiteur ; agissons en tout, non comme de serviles mercenaires, mais comme des enfants, comme des hommes libres, par amour pour le Père ; cessons d’être attachés au monde, afin de faire rougir les gentils. Chaque fois, en effet, que je suis tenté de discuter avec eux, je recule, de peur que, pendant que nous les battons par les raisonnements et la vérité de nos dogmes, nous ne soulevions chez eux un immense éclat de rire par le contraste de notre conduite ; vu que s’ils sont livrés à l’erreur et ne croient rien de ce que nous croyons, ils s’appliquent du moins à la philosophie, tandis que chez nous c’est tout le contraire. Cependant j’ajouterai : Peut-être, peut-être en cherchant à les combattre, nous efforcerons-nous de devenir meilleurs qu’eux, même pendant cette vie. Je disais naguère que les apôtres n’eussent jamais prêché ce qu’ils ont prêché, s’ils n’eussent eu le secours de la grâce de Lieu ; et que non seulement ils n’auraient pas réussi, mais qu’ils n’en auraient pas même formé le projet. Eh bien ! discutons encore ce point aujourd’hui et montrons qu’ils n’auraient pu exécuter, pas même former cette entreprise, s’ils n’avaient eu le Christ avec eux ; non parce que, faibles, ils combattaient les forts, qu’ils étaient un petit nombre contre un grand nombre, pauvres contre des riches, ignorants contre des savants ; mais parce que la force des préjugés était grande.
Vous savez qu’il n’y a rien de puissant chez les hommes comme la tyrannie d’une ancienne habitude. En sorte que quand même ils n’eussent pas été seulement douze, et aussi vils et tels qu’ils étaient ; quand même ils auraient eu avec eux un autre monde pareil à celui-ci, une autre multitude égale et même supérieure à celle qu’ils combattaient : alors même encore l’œuvre eût été difficile. Car, d’un côté, on avait pour soi la coutume ; de l’autre, on avait contre soi la nouveauté. Rien, en effet, ne trouble l’âme, même quand il s’agit de choses utiles, comme l’introduction d’usages nouveaux et étrangers, surtout en matière de culte et d’honneurs dus à Dieu. Je ferai ressortir la puissance de cet obstacle, et je dirai d’abord qu’il s’y ajoutait une difficulté spéciale du côté des Juifs. En effet, avec les païens ils renversaient tout, et les dieux et les croyances ; avec les Juifs il n’en était pas de même : ils se contentaient d’abroger plusieurs de leurs dogmes, mais ils voulaient que l’on adorât le Dieu qui leur avait donné des lois ; et tout en ordonnant qu’on adorât le Législateur, ils ajoutaient : N’obéissez point en tout à la loi qu’il vous a imposée, par exemple, pour l’observation du sabbat, pour la circoncision, les sacrifices et autres prescriptions de ce genre. Ainsi, non seulement le sacrifice devenait un obstacle, mais il y avait encore aine autre difficulté dans l’abrogation de beaucoup de lois de ce même Dieu qu’on ordonnait d’adorer. D’autre part, chez les gentils, la tyrannie de l’habitude était grande.
7. En effet, en attaquant une coutume, je ne dis pas aussi ancienne, mais seulement de dix ans, je ne dis pas d’une si grande multitude, mais seulement de quelques hommes, la conversion eût déjà été difficile. Mais les sophistes, les orateurs, les pères, les aïeux, les bisaïeux, d’autres générations plus reculées, avaient été envahis par l’erreur ; cette erreur s’étendait à la terre, à la mer, aux montagnes, aux forêts, aux races barbares, à tous les peuples de la gentilité, aux savants ; aux ignorants, aux princes aux sujets, aux femmes, aux hommes aux jeunes gens, aux vieillards, aux maîtres, aux serviteurs, aux laboureurs, aux artisans, à tous les habitants des villes et des campagnes. Vraisemblablement, ceux qu’on catéchisait, devaient dire : Qu’est-ce que ceci ? Quoi ! tous les habitants de la terre ont donc été trompés : les sophistes, les rhéteurs, les philosophes, les écrivains, ceux qui vivent maintenant, ceux