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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/354

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les ordres. Dans ces mots : « Nous rendrons compte de toute parole inutile (Mt. 12,36) ; celui qui regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère ». (Id. 5,28) Celui qui se fâche sans raison, tombera dans l’enfer : dans ces paroles, dis-je, n’y avait-il pas de quoi repousser ceux qui vivaient alors ? Et cependant tous accouraient, beaucoup même franchissaient tous les obstacles. Qu’est-ce donc qui les attirait ? N’était-ce pas évidemment la vertu de Celui qu’on prêchait ? Si ce n’eût été cela, si le contraire avait eu lieu, si ceux-là avaient été ceux-ci, et ceux-ci ceux-là, eût-il été facile de vaincre les répugnances ? il est impossible de le dire. Tout prouve donc que la vertu divine a agi en cela.
8. Comment ; dites-moi, a-t-on pu décider à une vie rude et austère, des hommes habitués à la mollesse et à la licence ? Car telle était la nature des commandements ; voyons si les dogmes étaient attrayants. Mais non : les dogmes n’étaient pas moins propres : à repousser les infidèles. Que prêchait-on, en effet ? Qu’il fallait adorer un crucifié, et regarder comme Dieu le fils d’une vierge juive. Et qui aurait cru cela, sans l’action dé la grâce divine ? Tous savaient qu’il avait été crucifié et enseveli ; mais, à part les apôtres, personne ne l’avait vu ressuscité et montant au ciel. Mais, dira-t-on, les apôtres exaltaient leurs auditeurs par des promesses, et les séduisaient par le bruit de la parole. Cela même, outre tout ce que nous avons dit, est une preuve évidente que notre doctrine n’est point une déception. Car il en résultait toutes sortes de choses difficiles, et il fallait remettre après la résurrection la jouissance des avantages promis. Je le répète : cela même prouve que notre prédication est divine. Pourquoi, en effet, aucun des croyants n’a-t-il dit : Je n’avancerai pas, je ne puis supporter cela ; vous me menacez de choses difficiles pour cette vie, et différez les biens après la résurrection ? Et qui me prouve qu’il y aura une résurrection ? Qui est revenu d’entre les morts ? Quel mort a jamais ressuscité ? Qui, parmi ceux qui ne sont plus, est venu dire ce qui se passe après le départ ? Non : ils n’ont pas même pensé à dire cela ; mais ils ont donné leur vie pour le crucifié. En sorte que c’est là la preuve d’une grande vertu : que des gens qui n’avaient jamais entendu parler de ces choses, en aient été immédiatement convaincus malgré leur importance, et aient consenti à accepter les maux ici-bas comme épreuve, en se contentant de l’espoir de la récompense.
Si les apôtres avaient voulu tromper, ils auraient dû faire le contraire ; promettre des biens pour la vie présente, et passer sous silence les maux présents et à venir. Ainsi agissent ceux qui trompent et qui flattent ; ils ne proposent rien de dur, de pénible ou d’onéreux, tout au contraire ; et en cela consiste la tromperie. Mais, dira-t-on, c’est par stupidité que la foule a ajouté foi à leur parole. Quoi ! on n’était pas insensé tant qu’on vivait dans le paganisme, et on l’est devenu en embrassant notre foi ? Pourtant les hommes que les apôtres ont persuadés n’étaient pas d’une autre nature, ni d’un autre monde. Ils étaient simplement attachés au culte païen, et ils ont adopté le nôtre malgré les dangers qui s’y attachaient ; en sorte que si le premier leur eût paru plus raisonnable, ils ne l’auraient pas quitté, surtout après y avoir si longtemps vécu, et quand ils ne pouvaient l’abandonner impunément. Mais dès qu’ils furent convaincus, par la nature même des choses, qu’il ne contenait que des croyances ridicules et des erreurs, ils renoncèrent à leurs habitudes malgré les menacés de mort, et passèrent au culte nouveau, parce que celui-ci était conforme aux lois naturelles, tandis que, l’autre y était opposé, Mais, dira-t-on, ceux qui crurent étaient des domestiques, des femmes, des nourrices, des sages-femmes, des eunuques. Chacun sait que ce ne furent pas là les seuls éléments de l’Église ; mais quand cela serait, la prédication n’en paraîtrait que plus admirable, puisque de simples pêcheurs (l’espèce d’hommes la plus ignorante) auraient pu faire accepter sur-le-champ des dogmes que Platon ou les philosophes de son temps n’avaient pas même pu imaginer. En effet, s’ils n’avaient convaincu que des sages, le fait serait moins étonnant ; mais en élevant des domestiques, des nourrices et des eunuques à untel degré de philosophie qu’ils en ont fait les émules des anges, ils ont donné la plus grande preuve de l’inspiration divine. S’ils n’avaient commandé que des choses faciles, il serait peut-être raisonnable de rabaisser leur prédication en faisant valoir le rang infime de leurs partisans ; mais si, au contraire, ils enseignaient des chopes grandes, élevées, presque au-dessus de la nature humaine, et qui exigeaient une haute intelligence,