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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/357

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leur montrant que c’est par leur faute ; et troisièmement, en leur faisant voir qu’ils n’en sont pas encore capables. Qu’ils ne l’aient d’abord pas pu, c’était peut-être dans la nature des choses ; quoique il ne leur laisse pas même ce moyen de défense. Car il ne leur dit pas qu’ils n’ont pas reçu ces enseignements sublimes parce qu’ils ne le pouvaient pas, mais parce qu’ils étaient charnels. Du reste, s’il s’agissait du commencement, il n’y aurait pas eu matière à grand reproche ; maïs après un si long espace de temps,.n’être pas encore arrivé à un état plus parfait, c’était l’indice d’une extrême lâcheté.
Il fait aussi ce même reproche aux Hébreux, mais non avec autant de force ; car il attribue chez eux le mal à la tribulation, et chez les autres au désir du mal ; deux choses fort différentes. Évidemment, il veut blâmer les Corinthiens, tandis qu’il ne cherche qu’à exciter les Hébreux en parlant selon la vérité. Aussi dit-il aux premiers : « À présent même vous n’en êtes pas capables » ; et aux seconds : « Laissant l’enseignement élémentaire sur le Christ, passons à ce qui est plus parfait » ; et encore : « Nous nous promettons de vous des choses meilleures et plus étroitement liées à votre salut, quoique nous vous parlions ainsi ». (Héb. 6,1, 9) Et comment appelle-t-il charnels ceux qui avaient reçu un si grand Esprit, et qu’il avait d’abord comblés d’éloges ? Parce qu’ils étaient charnels aussi, ceux à qui le Seigneur disait : « Retirez-vous de moi ! Je ne vous connais pas, vous qui opérez l’iniquité » (Mt. 7,23) ; et pourtant ils chassaient les démons, ressuscitaient les morts et démontraient les prophéties.
Ainsi on peut faire des miracles et être charnel. Ainsi Dieu a fait de Balaam son instrument, a révélé l’avenir à Pharaon et à Nabuchodonosor ; Caïphe a prophétisé, sans savoir ce qu’il disait ; quelques-uns ont même chassé les démons au nom du Christ, bien qu’ils ne fussent pas avec lui ; parce que ces prodiges se font pour les autres, et non pourl eurs auteurs. Souvent même ils se sont opérés par des instruments indignes. Et pourquoi s’étonner qu’ils s’opèrent pour les autres par des instruments indignes, quand ils se font aussi pour les autres par le moyen des saints ? « Tout est à vous », dit l’apôtre, « soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit la vie, soit la mort ». (1Cor. 3,22) Et encore : « C’est lui qui a fait les uns apôtres, les autres prophètes, les autres pasteurs et docteurs pour la perfection des saints, pour l’œuvre du ministère ». (Eph. 4,11-12) Autrement tous seraient perdus sans ressource. Car il arrive que les chefs sont mauvais et pervers, tandis que les sujets sont bons et sages ; que les laïques vivent dans la piété, tandis que les prêtres vivent dans la corruption ; et il n’y aurait eu ni baptême, ni corps du Christ, ni oblation par les mains de ceux-ci, si la grâce eût toujours dû les trouver, dignes. Mais maintenant encore Dieu agit par le moyen des indignes, et la grâce du baptême ne souffre point de la conduite du prêtre : autrement celui qui la reçoit, ne l’aurait pas tout entière. Bien que cela soit rare, cela arrive pourtant.
Je dis ces choses de peur que quelqu’un de ceux qui sont ici, s’informant trop curieusement de la vie d’un prêtre, ne se scandalise à l’occasion des mystères. Car l’homme n’y met rien ; tout est l’effet de la vertu de Dieu, et c’est lui qui vous initie. « Aussi, mes frères, je n’ai pas pu moi-même vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels. Je vous ai nourris de lait ; mais non de viandes solides, car vous n’en étiez pas capables ». Pour ne pas paraître avoir parlé par ambition, quand il disait : « L’homme spirituel juge de toutes choses », et : « Il n’est jugé par personne », et encore : « Nous avons la pensée du Christ », comme aussi pour abattre leur orgueil, voyez ce qu’il dit : « Je ne me suis pas tu parce que je n’avais plus rien à vous dire, mais parce que vous êtes charnels. À présent même vous ne le pouvez pas encore ».
2. Pourquoi n’a-t-il pas dit : Vous ne voulez pas, mais : « Vous ne pouvez pas ? » C’est qu’il a mis l’un pour l’autre. En effet, on ne peut pas parce qu’on ne veut pas : c’est ce qui les accuse et excuse leur maître. Car si par nature ils n’eussent pas pu, peut-être auraient-ils été excusables ; mais ils agissent volontairement, ils sont donc inexcusables. Il indique ensuite de quelle manière ils sont charnels : « Car, puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? » Bien qu’il eût pu leur parler de fornication et de libertinage, c’est cependant cet autre péché qu’il met en avant, celui qu’il a jusqu’alors cherché à corriger. Que si la jalousie rend