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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/358

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charnel, nous n’avons tous qu’à pousser des cris, à revêtir le sac et à nous rouler dans la cendre. Car, si je juge des autres par moi-même ; qui est exempt de ce vice ? Si la jalousie rend charnel et ne permet pas d’être spirituel, quand même on prophétiserait où qu’on ferait d’autres miracles : que penser de nous qui ne sommes point honorés de telles grâces, alors que nous sommes convaincus d’avoir ce défaut et de plus grands encore ? Nous apprenons par là combien le Christ avait raison de dire : que celui qui fait le mal ne vient pas à la lumière (Jn. 3,20) ; qu’une vie impure est un obstacle à la connaissance des vérités élevées, et obscurcit la vue de l’âme. De même qu’il n’est pas possible que celui qui est dans l’erreur et mène une conduite régulière, reste dans cette erreur ; ainsi celui qui vit dans le mal ne peut pas facilement s’élever à la hauteur de nos dogmes, et celui qui est à la recherche de la vérité doit être exempt de tout vice. En effet, celui qui est délivré de ses vices, le sera aussi de l’erreur et parviendra à la vérité. Ne vous imaginez pas qu’il suffise pour cela de n’être pas avare ou fornicateur ; il faut que tout se réunisse dans celui qui cherche la vérité. Aussi Pierre dit : « En vérité, je vois que Dieu n’a point fait acception de personne, mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable » (Act. 10,34-35). C’est-à-dire, que Dieu l’appelle et l’attire à la vérité. Ne voyez-vous pas Paul, le plus ardent des ennemis, le plus violent des persécuteurs ? Et pourtant comme il menait une vie irréprochable et qu’il n’agissait point par un motif humain, il a trouvé grâce et il a surpassé tous les autres.
Mais, dira-t-on, pourquoi tel et tel païen qui est bon, bienfaisant, plein d’humanité, reste-t-il dans l’erreur ? Je réponds : C’est qu’il a quelque autre vice, la passion de la vaine gloire, la lâcheté, ou qu’il ne s’inquiète point de son salut, mais se figure que toute sa destinée est1ivrée au hasard. Paul appelle irréprochable en tout, celui qui opère la justice ; « qui est conforme à la justice selon la loi » (Phil. 3,6) ; et encore : « Je rends grâce à Dieu qu’à l’exemple de mes ancêtres, je le sers avec une conscience pure. ». (2Tim. 1,3) Mais comment, direz-vous, ceux qui étaient impurs ont-ils été jugés dignes de la prédication ? Parce qu’ils ont voulu, parce qu’ils ont désiré. Dieu attire ceux qui sont dans l’erreur quand ils sont exempts de passions ; il ne repousse point ceux qui viennent d’eux-mêmes ; et beaucoup ont reçu de leurs ancêtres des traditions de piété. « Puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention ». Il commence enfin à attaquer les inférieurs. Plus haut il a abattu les chefs en disant que la sagesse du langage n’a aucun prix ; maintenant il gourmande les inférieurs en disant : « Puisque l’un dit Moi je suis à Paul ; et l’autre : Moi je suis à Apollon, n’êtes-vous pas charnels ? » Il leur fait voir que par là, non seulement ils n’ont fait aucun profit, n’ont retiré aucun avantage, mais qu’ils ont au contraire retardé leurs progrès.
Et c’est là la source de la jalousie ; or, la jalousie les a rendus charnels ; et en devenant charnels, ils n’ont pu entendre de plus hautes vérités. « Qu’est donc Paul ? – Qu’est donc Apollon ? » Après les preuves et les démonstrations, ses reproches deviennent plus clairs et plus formels ; il se nomme lui-même, pour prévenir toute aigreur et les empêcher de se fâcher de ses paroles. Car si Paul n’est rien et ne se fâche pas, beaucoup moins doivent-ils s’irriter. Il les console de deux manières d’abord en se mettant lui-même en scène, ensuite en ne les dépouillant point absolument comme s’ils n’eussent contribué en rien ; il leur donne peu, mais enfin il leur donne quelque chose ; car après avoir dit : « Qu’est donc Paul ? Qu’est donc Apollon ? » il ajoute : « Des ministres par qui vous avez reçu la foi ». En soi, c’est quelque chose de grand, et qui mérite une grande récompense ; mais par rapport à l’archétype, à la racine de tout bien, ce n’est rien… Car le véritable bienfaiteur est celui qui accorde le bienfait, et non le ministre par qui il arrive. Il ne dit pas ; « Des évangélistes », mais : « Des ministres », ce qui dit davantage. Car ils ne nous ont pas seulement évangélisés, mais servis ; l’un consiste en paroles et l’autre en action. Or, si le Christ n’est simplement que le ministre du bien, et non sa racine et sa source, en qualité de Fils, voyez jusqu’où cela nous conduit.
3. Comment donc, direz-vous, Paul le nomme-t-il ministre de la circoncision ? (Rom. 15,8) Il parle là, de dispensation selon la chair[1], et non dans le sens que nous venons d’exposer ; par ministre, il entend celui qui a

  1. Ou du mystère de l’Incarnation.