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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/368

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meure au monde ; et cette mort n’est point nuisible, mais utile, puisqu’elle est le principe de la vie. De même, il veut qu’on devienne fou selon ce siècle, afin de se procurer la vraie sagesse. Or, devenir fou selon le monde, c’est mépriser la sagesse du dehors, et se convaincre qu’elle ne sert à rien pour acquérir la foi. Comme donc la pauvreté selon Dieu est la source de la richesse, l’humilité de l’élévation, le mépris de la gloire le principe même de la gloire ; ainsi, devenir fou c’est se procurer la plus haute sagesse. En effet, tout chez nous repose sur les contraires.
Et pourquoi l’apôtre ne dit-il pas : Qu’il dépouille la sagesse, mais : « Qu’il devienne fou ? » Afin de déshonorer au dernier point l’enseignement profane. Car dire. Déposez votre sagesse, et dire. Devenez fou, ce n’est point la même chose, quant à l’énergie de l’expression. D’autre part, il nous apprend à ne point rougir de notre simplicité ; car il se moque absolument des choses profanes. C’est pourquoi il ne recule pas devant les mots, parce qu’il compte sur la force des choses. De même donc que la croix, qui semble un objet méprisable, est devenue pour nous la source de biens sans nombre, le sujet et la racine d’une gloire ineffable ; ainsi, une folie apparente devient pour nous le principe de la sagesse. Et comme celui quia mal appris ne saura jamais rien de clair et de sain, à moins qu’il ne se dépouille de tout et ne présente une intelligence pure et nette au maître qui veut y imprimer quelque chose ; ainsi, en fait de sagesse extérieure, vous ne saurez rien de bon, rien d’exact, à moins que vous n’enleviez tout, que vous ne balayiez tout, et ne vous présentiez comme un homme complètement ignorant pour recevoir la foi. Ainsi, ceux qui voient de travers s’égareront beaucoup plus que les aveugles mêmes, s’ils veulent s’en rapporter à leur vue défectueuse, au lieu de se livrer à un guide, les yeux fermés.
Et comment, direz-vous, peut-on dépouiller cette sagesse ? En n’usant pas de ses enseignements. Après avoir insisté si vivement pour qu’on l’abandonne, l’apôtre en donne la raison : « La sagesse de ce monde est folie devant Dieu ». non seulement elle ne sert à rien, mais elle est un obstacle. Il faut donc s’en détacher, puisqu’elle nuit. Voyez-vous comme son triomphe est complet, puisqu’il démontre qu’elle est non seulement inutile, mais-nuisible ? Et il ne se contente pas de ses propres arguments, mais il invoque des témoignages, en disant : « Car il est écrit : qui enlace les sages dans leurs propres ruses ». – « Dans leurs ruses », c’est-à-dire, les prend par leurs propres armes. En effet, comme ils s’étaient servis de cette philosophie – pour se passer de Dieu, il s’en est servi pour leur prouver, qu’ils avaient besoin de Dieu. Comment ? de quelle manière ? En – ce que devenus insensés par elle, ils ont été justement pris dans ses filets ; s’imaginant qu’ils n’avaient pas besoin de Dieu, ils ont été réduits à une telle pauvreté, qu’ils ont paru inférieurs à des pêcheurs, à des illettrés, et qu’ils ont fini par en avoir besoin. Voilà ce qui fait dire à Paul qu’il les a pris dans leurs propres ruses. Ces paroles : « Je perdrai la sagesse » (1Cor. 1,19), signifient que cette sagesse ne mène à rien d’utile ; et celles-ci : « Qui enlace les sages dans leurs propres ruses », ont pour but de montrer la puissance de Dieu.
2. Il indique ensuite comment cela s’est fait, en invoquant un autre témoignage : « Le Seigneur sait que les pensées des sages sont vaines ». Mais quand la sagesse infinie a prononcé sur eux cet arrêt et les a montrés tels, quelle autre preuve de leur extrême folie demanderez-vous encore ? Les jugements des hommes sont souvent erronés ; mais les arrêts de Dieu sont irréprochables et impartiaux. Après cette victoire brillante qu’il a remportée sur la sagesse profane avec le secours de la sagesse de Dieu, l’apôtre prend un langage violent à l’égard de ceux qui se soumettaient à ces chefs illégitimes, et leur dit : « Que personne donc ne se glorifie dans les hommes ; car tout est à vous ». Il revient à son premier sujet, en leur faisant voir qu’ils ne doivent point s’enorgueillir même dès choses spirituelles, puisqu’ils n’ont rien d’eux-mêmes. Si donc la sagesse du dehors est nuisible, et s’ils n’ont point d’eux-mêmes les avantages spirituels, de quoi peuvent-ils se glorifier ? À propos de la sagesse du dehors, il dit : « Que personne ne s’abuse », parce qu’on se glorifiait d’une chose nuisible ; mais, à propos des dons spirituels, il dit : « Que personne ne se glorifie », parce que ces dons étaient avantageux. Puis son langage s’adoucit : « Car tout est à vous, soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit monde, soit vie, soit mort, soit choses présentes, soit choses futures, tout