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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/369

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est à vous ; et vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ».
Après les avoir vivement blessés, il leur rend du courage. Plus haut il avait dit : « Nous sommes les coopérateurs de Dieu. », et les avait longuement consolés ; ici il leur dit : « Tout est à vous », afin de détruire l’orgueil des maîtres, en montrant que non seulement ils ne donnent rien à leurs disciples, mais qu’ils leur doivent au contraire de la reconnaissance, puisque c’est pour eux qu’ils ont été faits docteurs et qu’ils ont reçu la grâce. Et parce qu’ils pouvaient se glorifier, il prévient le mal, en disant : « À chacun suivant le don de Dieu », et encore : « Dieu a donné la croissance », afin que les maîtres ne s’enflent pas, comme s’ils donnaient quelque chose de grand ; ni les disciples, parce qu’on leur a dit : « Tout est à vous ». Car bien que tout soit pour vous, tout cependant a été fait par Dieu. Remarquez comme il persiste jusqu’à la fin à prononcer son nom et celui de Pierre. Que veulent dire ces mots : « Sois mort ? » Cela veut dire : quand même ils mourraient, ils mourraient pour vous, c’est pour votre ; salut qu’ils s’exposent aux dangers. Voyez-vous maintenant comment il rabat l’orgueil des disciples et relève les maîtres ? Il leur parle comme à des enfants nobles qui ont des précepteurs, et doivent un jour hériter de tout. On peut aussi interpréter en ce, sens qu’Adam est mort pour nous, afin de nous rendre sages, et le Christ afin de nous sauver.
« Mais vous au Christ, et le Christ à Dieu ». Ce n’est pas de la même manière que nous sommes au Christ, que le Christ est à Dieu, et que le monde est à nous. Nous sommes au Christ, comme son ouvrage ; le Christ est à Dieu comme son Fils légitime, non comme son ouvrage ; et, dans le même sens, le monde n’est pas à nous. En sorte que si l’expression est une, la signification est différente. En effet, le monde est à nous, en ce sens qu’il a été fait peur nous ; mais le Christ est à Dieu, en tant qu’il l’a pour auteur et pour Père ; et nous sommes au Christ parce qu’il nous a créés. Que si ces maîtres sont à vous, pourquoi agissez-vous en sens contraire, en adoptant leur nom, et non celui du Christ et de Dieu ?
« Que les hommes nous regardent, comme ministres du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu ». (1Co. 4,1) Après avoir abattu leur présomption, voyez comme il les console, en disant :. « Comme ministres du Christ ». Ne rejetez donc pas le nom du maître, pour prendre celui des ministres et des serviteurs. « Les dispensateurs », ajoute-t-il, pour montrer qu’on ne doit point donner les mystères à tout le monde, mais à ceux à qui ils sont nécessaires, et à ceux à qui ils doivent être dispensés. « Or, ce qu’on demande dans les dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle » (1Co. 4,2), c’est-à-dire, qu’il ne s’attribue point les droits du Seigneur, qu’il ne dispose pas en maître, mais en simple dispensateur. Car le devoir du dispensateur est de bien administrer les biens qui lui sont confiés, et de ne pas s’approprier ce qui appartient au maître, mais au contraire d’attribuer à son maître ce qu’il a lui-même en propre.
Que chacun, réfléchissant à cela, ne se réserve donc point, ne s’attribue point ce qu’il peut avoir, soit l’éloquence, soit la richesse, avantages que le maître lui a confiés, et qui ne sont point à lui ; mais qu’il les rapporte à Dieu, l’auteur de tout don. Voulez-vous voir des dispensateurs fidèles ? Écoutez ce que dit Pierre : « Pourquoi nous regardez-vous comme si c’était par notre propre vertu » ou par notre piété « que nous avons fait marcher cet homme ? » Le même disait à Corneille[1] : « Et nous aussi nous sommes des hommes sujets aux mêmes passions » (Act. 14,15) ; et au Christ : « Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre ». (Mt. 19,27) Et Paul, après avoir dit : « J’ai travaillé plus qu’eux tous », ajoute : « Non pas moi cependant, mais la grâce de Dieu avec moi ». (1Cor. 15,10) Et ailleurs, s’adressant aux mêmes Corinthiens, il leur disait : « Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? » Vous n’avez rien à vous, ni l’argent, ni l’éloquence, ni la vie même : car elle est à Dieu.
3. Au besoin, sachez la perdre. Mais si vous aimez la vie et refusez de la dépouiller quand on vous la demande, vous n’êtes plus un dispensateur fidèle. Comment serait-il permis de résister à l’appel, de Dieu ? Et c’est en cela que je reconnais et admire la bonté de Dieu ; en ce que pouvant prendre malgré vous ce que vous possédez, il ne veut cependant que des dons volontaires, afin que vous méritiez une récompense.

  1. Les paroles de cette citation n’ont pas été dites pu l’apôtre Pierre au centurion Corneille, mais par saint Paul aux habitants de Lystre. Il y a donc ici un lapsus memoriae ou bien une lacune dans le texte.