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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/370

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Il pourrait, par exemple, vous enlever la vie malgré vous ; il demande que vous la lui donniez, pour que vous puissiez dire avec Paul : « Je meurs tous les jours ». (1Cor. 15,31) Il pourrait, malgré vous, vous dépouiller de la gloire et vous humilier ; il vous en demande le sacrifice volontaire, pour que vous obteniez la récompense. Il pourrait vous appauvrir malgré vous ; il désire vous voir pauvre volontaire, afin de vous tresser une couronne. Comprenez-vous la bonté de Dieu ? Voyez-vous notre lâcheté ?
Êtes-vous parvenu à une plus grande dignité, honoré d’une haute charge dans l’Église ? Né vous enorgueillissez pas ; ce n’est point vous qui avez acquis cette gloire, c’est Dieu qui vous en a revêtu. Usez-en comme d’une chose étrangère ; n’en abusez pas, ne l’employez pas à des objets peu convenables, ne vous en enflez pas, ne vous l’appropriez pas ; regardez-vous toujours comme un homme pauvre et obscur. Si l’on vous avait confié la garde de la pourpre royale, vous ne devriez pas la revêtir et la souiller, mais la conserver soigneusement pour celui qui vous l’aurait remise. Vous avez reçu le don de la parole ? Ne vous en glorifiez pas, ne vous en vantez pas ; car cette faveur n’est point à vous. Ne vous montrez point ingrat en tout ce qui appartient au maître ; mais faites en part à vos frères, n’en soyez pas fier comme d’un bien propre, et ne le ménagez pas dans la distribution. Si vous avez des enfants, ils sont à Dieu ; dans cette conviction, vous le remercierez tant que vous les posséderez ; quand ils vous seront enlevés, vous ne vous affligerez pas. Tel était job quand il disait :. « Dieu me les avait donnés, Dieu me les a enlevés ». (Job. 1,21) Car nous tenons du Christ tout ce que nous avons ; l’existence même, la vie, la respiration, la lumière, l’air, la terre ; et s’il nous soustrait une seule de ces choses, c’en est fait de nous, nous périssons ; car nous sommes des étrangers et des voyageurs. Le « tien » et le « mien » sont de simples expressions qui n’ont pas d’objet. Si vous dites que cette maison est à vous, vous prononcez un mot vide de sens. En effet, l’air, la terre, la matière, appartiennent au Créateur, aussi bien que vous qui l’avez construite, et que tout ce qui existe. Que si vous en avez l’usufruit, il est bien précaire, non seulement, à cause de la mort, mais à raison de l’instabilité des choses.
Gravons ces vérités en nous, et devenons sages ; par là nous ferons double profit : nous serons reconnaissants dans la jouissance et dans la privation, et nous ne serons pas esclaves de biens passagers qui ne sont point à nous. En vous enlevant la richesse, l’honneur, la gloire, votre corps, votre vie même, Dieu a repris son bien ; en vous enlevant votre fils, ce n’est point votre fils, mais son serviteur qu’il reprend. Ce n’était point vous qui l’aviez formé, mais lui ; vous n’aviez été qu’un moyen, qu’un instrument ; Dieu a tout fait. Soyons donc reconnaissants d’avoir été jugés dignes d’être ministres de l’œuvre. Quoi ! vous auriez voulu le conserver toujours ? Mais c’est le fait d’un homme ingrat et qui ne comprend pas que le bien qu’il possède est à un autre et non à lui. Ceux qui sont toujours prêts à la séparation, sentent qu’ils ne sont point propriétaires ; mais ceux qui s’affligent, usurpent tes droits du roi. Si nous ne nous appartenons pas même, comment les autres nous appartiendraient-ils ? Nous sommes doublement à Dieu : et par la création et par la foi. C’est ce qui fait dire à David : « Ma substance est en vous » (Ps. 38) ; et à Paul : « C’est en lui que nous vivons, que nous nous mouvons ; et que nous sommes » (Act. 18,28) ; et encore, à propos de la foi : « Vous n’êtes plus à vous-mêmes ; et vous avez été achetés à un grand prix ». (1Cor. 6,19, 20) Car tout est à Dieu.
Quand donc il nous appelle, quand il veut reprendre, ne raisonnons pas à la façon des serviteurs ingrats, n’usurpons pas les droits du maître. Votre vie n’est pas à vous : comment vos biens y seraient-ils ? Pourquoi donc abusez-vous de ce qui ne vous appartient pas ? Ne savez-vous pas que cet abus vous sera un jour reproché ? Donc, puisqu’ils ne sont pas à nous, mais au maître, nous devions en faire des largesses à nos frères. C’est pour ne l’avoir pas fait que le mauvais riche fut accusé ; il en sera ainsi de ceux qui n’auront pas nourri te Seigneur. Ne dites donc pas : Je ne dépense que le mien, je jouis de mes biens propres ; non, ils ne sont pas à vous, mais aux autres ; et je dis aux autres, parce que vous le voulez : parce que Dieu veut que ce qu’il vous a donné pour vos frères soit à vous. Or, le bien d’autrui devient le vôtre, si vous l’employez au service du prochain ; mais si vous le dépensez pour vous avec profusion, de propre qu’il vous était, il vous devient étranger. Oui ; si vous