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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/374

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parce qu’il se croit irréprochable, mais pour fermer la bouche à ceux qui le jugeaient au hasard. Ailleurs, en effet, il a permis à d’autres de juger de fautes même secrètes, parce que la circonstance l’exigeait.
« Toi donc », dit-il, « pourquoi juges-tu ton frère ? Ou pourquoi méprises-tu ton frère ? » Tu n’es point chargé, ô homme, de juger les autres, mais de t’examiner toi-même. Pourquoi usurpes-tu le rôle du Maître, C’est à lui, et non à toi, à juger. Aussi ajoute-t-il : « C’est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des cœurs ; et alors chacun recevra de Dieu sa louange ». Quoi donc ! les maîtres ne doivent-ils pas faire cela ? Oui, ils le doivent, pour les péchés connus et avoués, et dans le moment opportun, quand les coupables éprouvent la douleur et le remords ; et non par vaine-gloire et par présomption, comme on le faisait alors. Ici Paul ne parle pas des fautes publiques et avouées, mais de la préférence accordée à l’un sur l’autre, et de la comparaison que l’on établit entre leur conduite. Car Celui-là seul peut en juger exactement, qui jugera un jour nos fautes cachées, assignera à chacun le degré de supplice ou d’honneur qu’il aura mérité : ce que nous ne faisons, nous, que sur les apparences. Si je ne vois pas clairement en quoi j’ai péché, dit-il, comment serais-je capable de porter une sentence sur les autres ? Moi qui ne me connais pas exactement, comment pourrais-je juger autrui ? Or si Paul agissait ainsi, à combien plus forte raison le devons-nous nous-mêmes. Il ne disait point cela pour se faire croire irrépréhensible, mais pour leur montrer que quand même il s’en trouverait un parmi eux qui n’eût point péché, il ne serait cependant pas autorisé à juger les autres ; et que si lui, à qui sa conscience ne reproche rien, n’est pourtant point justifié, ils le sont beaucoup moins encore, eux qui se sentent coupables de mille péchés.
Après avoir ainsi fermé la bouche à ceux qui hasardent de tels jugements, il lui tarde de faire éclater son indignation contre les incestueux ; comme, à l’approche de l’orage, apparaissent d’abord certains nuages noirs ; ensuite, quand le tonnerre fait entendre son fracas, et que le ciel entier ne forme plus qu’une nuée, alors la pluie se précipite à torrents sur la terre ; ainsi en est-il dans ce moment. En effet, pouvant tout d’abord décharger son courroux sur le coupable, il ne le fait pas ; mais il réprime d’abord son orgueil par des paroles effrayantes. C’est qu’il y avait là double mal : la fornication, et quelque chose de pire que la fornication : le défaut de repentir d’un si grand péché. Car ce n’est pas tant sur le pécheur que sur le pécheur impénitent que l’apôtre pleure : « Je pleurerai », dit-il ; « non seulement beaucoup de ceux qui ont d’abord péché, mais encore de ceux qui n’ont pas fait pénitence des impudicités et des impuretés qu’ils ont commises ». (2Cor. 12,21) Car il ne faut pas pleurer celui qui fait pénitence après soit péché, mais plutôt le féliciter, puisqu’il est passé dans l’assemblée des justes. « Confessez d’abord vos iniquités », dit le prophète, « afin d’en être lavé ». (Is. 43,26) Mais si, après sa faute, il ne sait pas rougir, il est digne de compassion, moins pour être tombé que pour persévérer dans sa chute.
3. Que si c’est un grand mal de ne pas se repentir quand on est coupable, quel châtiment méritera-t-on pour s’enorgueillir des fautes commises ? En effet, si l’homme qui se glorifie du bien qu’il a fait est impur, comment excuser celui qui se vante de ses péchés ? Et comme c’était là l’état du fornicateur, et qu’il devait au péché même son impudence et son obstination, l’apôtre a nécessairement dû d’abord abattre son orgueil. Ce n’est point son crime qu’il dénonce le premier, de peur qu’il ne dépouille toute pudeur, en se voyant accusé avant les autres ; ce n’est point non plus celui qu’il accuse le dernier, pour ne pas lui laisser croire que c’est une chose de peu d’importance à ne traiter qu’en passant ; mais après l’avoir d’abord effrayé par la liberté de langage dont il use envers les autres, et avoir ébranlé, troublé son orgueil par le reproche adressé à tous, il va enfin droit à lui. Car ces paroles : « Ma conscience ne me reproche rien » ; et ces autres : « Celui qui me juge, c’est le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des cœurs » ; ces paroles, dis-je, ne le ménagent guère, ni lui ni ceux qui lui applaudissaient et méprisaient les saints. À quoi sert, dit-il, à quelques-uns de paraître extérieurement vertueux et dignes d’admiration ? Le juge ne juge pas seulement les apparences, mais traduit les secrets au grand jour. Pour deux, et même