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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/375

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pour trois raisons, nous ne pouvons juger exactement des choses : d’abord parce que quand même nous n’avons conscience d’aucun péché, nous avons cependant besoin de Dieu pour nous faire voir nos fautes avec exactitude ; ensuite parce que la plupart des choses qui se passent, nous échappent et nous restent cachées ; en troisième lieu, parce que souvent les actions des autres nous paraissent bonnes, et ne procèdent pas d’une intention droite.
Pourquoi dites-vous donc qu’un tel ou un tel n’a point fait de mal, ou que celui-ci vaut mieux que celui-là ? Il n’est pas permis de parler ainsi, pas même de celui qui n’a rien à se reprocher ; Celui qui connaît les choses secrètes, peut seul porter des jugements exacts. Donc : Ma conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas justifié pour cela ; c’est-à-dire, je ne suis pas dispensé de rendre compte, ni à l’abri de toute accusation. Il ne dit pas : Je ne suis point rangé parmi les justes ; mais Je ne suis pas exempt de péché. Car il dit ailleurs. : « Mais celui qui est mort est justifié du péché » (Rom. 6,7) ; c’est-à-dire, en est délivré. Or nous faisons bien des choses qui sont bonnes, mais ne partent pas d’une intention droite. Et nous louons, bien des gens, non dans le but de leur procurer de la gloire, mais pour en blesser d’autres à leur occasion. En soi, cela est bien, puisqu’on loge celui qui a bien fait : mais l’intention de celui qui loue est gâtée ; elle est une inspiration de Satan, Souvent, en effet, on ne se propose pas de féliciter un de ses frères, mais d’en frapper un autre dans sa personne. En revanche, quelqu’un a commis une grosse fauté ; un autre qui a envie de le supplanter, prétend qu’il n’a rien fait, le console d’avoir péché, l’excuse par le penchant commun, le la nature ; mais souvent en cela il se propose moins d’être indulgent, que de rendre le coupable plus relâché. Ou encore on reprend souvent, non pour convaincre et avertir, mais pour rendre la faute publique et notoire. Les hommes ne pénètrent pas les intentions ; mais Celui qui scrute le fond des cœurs les connaît parfaitement, et un jour il les mettra en lumière. C’est ce qui fait dire à Paul : « Qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des cœurs ».
Si donc on n’est pas innocent pour n’avoir rien à se reprocher ; et si, même eu faisant le bien, ou s’expose au châtiment, quand l’intention n’est pas droite : songez avec quelle facilité les hommes se trompent dans leurs jugements. Car l’homme ne saurait tout atteindre ; cela n’est possible qu’à l’œil qui ne, dort pas ; si nous pouvons tromper les hommes, nous ne le tromperons jamais. Ne dites donc pas : Les ténèbres m’environnent et sont pour moi un rempart ; qui me voit ? Celui qui a formé chaque cœur en particulier, sait tout, et les ténèbres n’ont pour lui rien d’obscur. Cependant le pécheur a raison de dire. Les ténèbres m’environnent et sont pour moi un rempart ; car s’il ne faisait pas nuit dans son âme, il n’eût pas ainsi secoué la crainte de Dieu pour agir en liberté. Si le conducteur n’avait pas d’abord été aveuglé, le péché ne serait pas entré si facilement. Ne dites donc pas : Qui me voit ? Car il y a quelqu’un qui pénètre le cœur et l’esprit, les jointures et la moelle des os ; mais vous, vous ne vous voyez pas, vous ne pouvez fendre la nue ; environné d’un mur de tops côtés, vous ne pouvez regarder le ciel.
4. Quel péché voulez-vous que nous examinions d’abord ? Vous vous convaincrez que c’est ainsi qu’il se commet. Quand les voleurs de nuit veulent enlever quelque chose de précieux, ils éteignent d’abord la lanterne, et se mettent ensuite à l’œuvre ; ainsi chez les pécheurs procède la raison égarée.: La raison est, en effet, chez nous une lampe toujours allumée. Mais si l’esprit de fornication, dans une irruption violente, a éteint cette flamme, aussitôt il met l’âme dans les ténèbres, l’attaque et dévaste tout en elle. Car comme les nuages et le brouillard enveloppent les yeux du corps ; ainsi, quand la passion impure s’est emparée de l’âme, elle lui ôte la faculté de prévoir, ne lui permet pas de rien voir au-delà de l’objet présent, ni le précipice, ni l’enfer, ni tant de choses effrayantes ; mais tyrannisée par ces tentations, l’âme est aisément subjuguée par le péché ; il y a comme un mur sans fenêtres, élevé devant elle qui ne lui laisse point parvenir le rayon de la justice, parce que les raisonnements absurdes de la passion l’assiègent de tous, côtés ; elle n’a plus qu’un objet devant les yeux, dans l’esprit, dans la pensée, la femme publique. Et comme des aveugles, debout, en plein air et à midi, ne reçoivent point la lumière du soleil, puisque leurs yeux sont fumés ; ainsi les malheureux, en proie à cette maladie ; ferment leurs oreilles aux nombreux ; et salutaires