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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/376

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enseignements qui retentissent autour d’eux. Ceux-là le savent qui en ont fait l’expérience. Et à Dieu ne plaise qu’aucun (le vous l’ait faite ! Et ce que nous disons ici ne s’applique pas seulement à ce genre de péché, mais à toute affection désordonnée. – Transportons, si vous le voulez, la question de la femme publique à l’argent, et nous retrouverons encore d’épaisses ténèbres. – Là, comme l’amour se concentre sur une seule personne et sur un seul lieu, la passion est moins violente ; mais ici, comme l’argent se fait voir de toutes parts, dans les hôtels de monnaie, dans les hôtelleries, dans les boutiques d’orfèvres, dans les maisons des riches, le souffle de la passion est violent. Quand l’homme atteint de cette maladie voit des domestiques écarter la foule sur les places publiques, des chevaux aux harnais dorés, des hommes magnifiquement vêtus, il se trouve enveloppé de profondes ténèbres. Mais à quoi bon parler de palais et d’hôtels de monnaie ? Pour moi, je suis convaincu qu’à voir seulement la richesse en peinture ou en image, ces hommes sont déchirés, saisis de fureur et de rage ; en sorte que la nuit les assiège partout. S’ils jettent les yeux sur la statue d’un roi, ils n’admirent pas la beauté des pierres précieuses, ni l’or, ni le manteau de pourpre, mais ils sèchent d’envie. Et gomme ce malheureux amant, en présence du portrait de sa maîtresse, reste cloué à cet objet inanimé ; ainsi l’homme dont nous parlons, devant le tableau inanimé de la richesse, éprouve un tourment semblable, plus grand même, parce que sa maladie est plus tyrannique ; et il est réduit ou à rester chez lui, ou, s’il paraît en public, à rentrer percé de mille coups, à raison de la multitude des objets qui ont blessé ses yeux.
Et comme l’impudique ne voit rien autre chose que la femme objet de sa passion, ainsi l’ami des richesses perd de vue les pauvres et toute autre chose, même ce qui pourrait le soulager : mais son regard, sans cesse fixé sur les riches, puisé dans ce spectacle un grand feu qui s’introduit dans son âme. Car c’est un Véritable feu qui l’envahit et le consume ; et quand même il ne serait pas arénacé de l’enfer et de supplice, son état présent lui serait un supplice, à savoir ces tortures continuelles et cette maladie sans fin. Cela seul devrait guérir d’un tel mal ; mais il n’y a rien de pire que la folie qui s’attache à des objets qui font souffrir sans apporter aucun profit. C’est pourquoi je vous exhorte à couper ce mal dès le début. Comme la fièvre qui commence ne procure pas d’abord une soif bien brûlante, mais quand elle a grandi et allumé le feu, elle en cause une qui ne peut plus s’éteindre, en sorte que la boisson la plus abondante ne saurait l’étancher, et ne fait qu’attiser la fournaise ; ainsi arrive-t-il dans cette passion : si nous ne l’arrêtons pas dès le principe, si nous ne lui fermons pas la porte de notre âme, une fois entrée, elle nous donnera une maladie qui ne pourra plus se guérir. Car le bien et le mal se fortifient en nous par la durée.
5. Il en est de même en toutes choses. Ainsi une jeune plante s’arrache facilement ; mais quand elle a jeté des racines par l’effet du temps, on ne l’extirpe qu’avec de puissants leviers. Un édifice récent se renverse sans peine ; mais quand il est affermi, il demande des efforts à ceux qui essaient de le détruire. Une bête sauvage qui a longtemps habité un lieu, en est difficilement expulsée. Je supplie donc ceux qui ne connaissent pas encore cette maladie, de s’en garantir ; il est plus aisé d’éviter la chute que de s’en relever. Quant à ceux qui en sont atteints, s’ils veulent prendre la raison pour médecin, je leur promets de grandes chances de salut par la grâce de Dieu. En songeant à ceux qui sont tombés dans de mal et s’en sont guéris, ils concevront l’espoir d’en être délivrés eux-mêmes. Qui donc a souffert de dette passion et s’en est facilement débarrassé ? Zachée. Qui fut jamais plus avide d’argent que ce publicain ? Mais il devint sage subitement, et éteignit l’incendie. Il en fut de même de Matthieu : car lui aussi était publicain, et continuellement occupé à la rapine. Mais lui aussi se dépouilla immédiatement du mal, éteignit sa soif et s’adonna au commerce spirituel. En vous rappelant ces exemples et d’autres semblables, ne perdez pas courage. Si vous le voulez, nous vous prescrirons une règle détaillée, suivant l’usage des médecins. Avant tout il faut d’abord ne pas perdre courage ni désespérer de son salut ; ensuite ne pas seulement songer à ceux qui se sont guéris du mal, mais encore aux souffrances de ceux qui y ont persévéré. Comme nous avons parlé de Zachée et de Matthieu, il faut aussi se souvenir de Judas, de Giezi, d’Achar, d’Achab, d’Avanie et de Saphire. Par les premiers,