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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/377

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nous apprendrons à ne pas désespérer ; par les seconds à secouer notre paresse, à ne pas négliger les avertissements qu’on nous donne ; nous nous habituerons à nous dire à nous-mêmes ce que les Juifs disaient à saint Pierre : « Que faut-il faire pour être sauvés ? » (Act. 2,37) Puis nous écouterons. Et que faut-il donc faire ? Comprendre le néant des choses, savoir que – la richesse est un esclave fugitif et ingrat, qui plonge ses possesseurs dans une multitude de maux ; et répéter sans cesse des vérités de ce genre. Et comme les médecins consolent les malades qui demandent de l’eau froide en leur permettant de leur en donner, puis prétextent l’éloignement de la source, l’absence de vase, l’inopportunité de la circonstance, et d’autres raisons de cette nature (car s’ils refusaient positivement, ils les mettraient en fureur) ; ainsi devons-nous faire avec ceux qui ont la soif des richesses ; quand ils disent qu’ils veulent être riches, gardons-nous de condamner d’abord les richesses comme un mal ; mais entrons dans leur pensée, et affirmons que nous aussi nous voulons acquérir des richesses, mais en temps opportun, et des richesses véritables, celles qui procurent une jouissance immortelle, celles qu’on amasse pour soi, et non pour d’autres, et souvent pour des ennemis ; parlons suivant les principes de la sagesse, et disons : Nous ne vous défendons pas d’être riches, mais mauvais riches ; car il est permis de s’enrichir, mais sans avarice, sans rapine, sans violence, sans se faire une mauvaise réputation chez tous.
Après les avoir adoucis par ces raisons, ne parlons pas encore de l’enfer : un malade ne saurait d’abord supporter ce langage. Raisonnons donc sur le présent, et disons : Pourquoi voulez-vous vous enrichir par l’avarice, entasser de l’or et de l’argent pour d’autres, et vous attirer des malédictions et des accusations sans nombre ; tandis que le pauvre est tourmenté par la privation du nécessaire, gémit, excite contre vous mille accusateurs, parcourt le soir les places publiques, arrête tout le monde aux coins des rues, inquiet de la manière dont il passera la nuit ? Comment, en effet, goûterait-il le sommeil, pendant que son estomac le déchire, qu’il ne peut fermer les yeux, que la faim l’assiège, et qu’il est souvent exposé au froid et à la pluie ? Et vous, vous revenez du bain, lavé et couvert de moelleux vêtements, plein de satisfaction et de bonne humeur ; vous allez en hâte prendre place à un splendide festin qui vous attend ; tandis que lui, poursuivi par le froid, par la faim, erre sur la place publique, baissant la tête, tendant la main, n’osant pas même demander le morceau de pain dont, il a besoin à un homme repu et livré au repos, et se retire souvent accablé d’injures. Quand donc vous rentrez chez vous, quand vous reposez sur votre lit, quand votre demeure est splendidement éclairée ; quand un magnifique repas vous attend, souvenez-vous alors de ce pauvre, de cet infortuné errant, comme un chien, dans les rues, dans les ténèbres, dans la boue, et s’en allant souvent, non pour rentrer chez lui, pour rejoindre sa femme, pour se mettre au lit, mais pour s’étendre sur un peu de paille, comme nous le voyons faire aux chiens furieux qui aboient toute la nuit. Et vous, si vous voyez une seule goutte de pluie passer à travers votre toit, vous renversez tout dans la maison, vous appelez vos serviteurs, vous mettez tout en mouvement ; tandis que ce malheureux en haillons, couché sur de la paille et dans la boue, supporte toute la rigueur du froid.
6. Quelle bête sauvage y était insensible ? Quel homme serait assez dur, assez inhumain pour n’en être pas touché ? Et pourtant il y en a qui sont parvenus à ce degré de barbarie, de dire que ces pauvres méritent leur sort. Il faudrait plaindre, pleurer, soulager ces infortunés, et on les accuse avec inhumanité. Je demanderais volontiers : Pourquoi méritent-ils leur sort ? Est-ce parce qu’ils veulent manger et ne pas mourir de faim ? Non, répond-on, mais parce qu’ils sont paresseux. Et vous, ne vivez-vous pas dans l’oisiveté et dans les délices ? Bien plus, ne faites-vous pas pire que d’être oisif, en vous livrant à la rapine, à la violence, à l’avarice ? Il vaudrait mieux que vous fussiez oisif sur ce point ; car la paresse est moins coupable que l’avarice. Et maintenant vous insultez aux malheurs d’autrui, non seulement par votre oisiveté et par des opérations pires que l’oisiveté, mais en accusant ceux qui sont-en proie à la misère.
Racontons-leur ensuite les malheurs d’autrui, parlons des orphelins en bas âge, des prisonniers, des victimes des tribunaux, de ceux qui craignent pour leur vie, des femmes condamnées subitement au veuvage, des changements soudains qui frappent les riches, et