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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/381

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emploie ce mot : « Déjà », montrant par cet adverbe de temps combien leur opinion est peu admissible et déraisonnable. Il leur dit donc ironiquement : Vous êtes arrivés si vite à la perfection, et pourtant l’espace de temps ne le permettait pas. La perfection est l’œuvre de l’avenir ; être rassasié de peu indique une âme faible ; se croire riche de peu, est le propre d’une âme dégoûtée et misérable ; car la piété est insatiable ; c’est unie puérilité de croire tout posséder dès l’abord et de s’enorgueillir comme si l’on était arrivé au terme, quand on n’est encore qu’au début. Mais ce qui suit est encore plus propre à les couvrir de confusion. Après avoir dit : « Déjà vous êtes rassasiés », il ajoute : « Déjà vous êtes riches ; vous régnez sans nous, et plaise à Dieu que vous régiriez en effet, afin que nous régnions avec vous ». Ces paroles sont pleines de gravité : aussi ne les emploie-t-il qu’en dernier lieu et après une vive réprimande. C’est ainsi qu’une exhortation se fait respecter et accepter, quand après des accusations, on s’exprime de manière à faire rougir. Par là on contient même l’insolence de l’âme, et on la frappe plus sûrement que par des accusations manifestes, et on modère la douleur et l’audace qui doivent résulter de l’accusation. Car c’est là le merveilleux des paroles propres à donner la confusion, qu’elles produisent deux effets contraires : en faisant, une incision plus profonde, qu’une récrimination ouverte, et en rendant plus patient celui qui la reçoit.
« Vous régnez sans nous ». Grande emphase, et à l’adresse des docteurs et à l’adresse des disciples. Il fait voir ici leur peu de conscience et leur extrême folie. Car voici ce qu’il veut dire : Dans les travaux tout est commun entre nous et vous, mais dans les récompenses et les couronnes vous êtes les premiers ; mais je dis cela sans douleur. Aussi ajoute-t-il : « Et plaise à Dieu que vous régniez en effet ! » Puis, pour ne pas avoir l’air de faire unie ironie, il continue : « Afin que nous régnions avec vous ». Ce qui veut dire : Car alors, nous aussi, nous aurions obtenir ces biens. Voyez-vous comme il montre tout à la fois sa gravité, sa sollicitude et sa sagesse ? Voyez comme il corrige leur orgueil par ce qui suit : « Car il me semble que Dieu nous traite, nous les apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort ». Il y a une grande signification et beaucoup de gravité dans ce mot : « Nous ». Et ce n’est point assez pour lui : il y ajoute le nom de la dignité, les blessant ici vivement : « Nous les apôtres » ; nous qui endurons tant de maux, qui semons la prédication religieuse, qui vous amenions à cette grande philosophie. Et ces derniers des apôtres il les montre comme destinés à la mort, c’est-à-dire condamnés. Car après avoir dit : « Afin que nous régnions avec vous », il adoucit un peu le ton, et pour ne pas les décourager, il reprend son sujet avec plus de gravité, et dit : « Car il me semble que Dieu nous traite, nous les apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort ». Ce qui signifie : À ce que je vois et d’après ce que vous dites, nous sommes les plus abjects de tous, nous sommes condamnés, nous qui sommes toujours exposés à souffrir ; mais vous, vous vous figurez déjà le royaume, les honneurs et les récompenses. Et voulant tousser encore davantage les choses à l’absurde, et en faire ressortir l’invraisemblance en usant d’hyperbole, il ne se contente pas de dire : Nous sommes certainement les derniers ; mais : Dieu nous a faits les derniers et non seulement : Les derniers ; mais « Comme des condamnés à mort » ; afin que l’homme le moins sensé comprît l’absurdité de sa parole, et y vît l’expression de sa douleur et son intention de les couvrir de honte.
3. Et voyez la prudence de Paul. Par les mêmes paroles qu’il dit pour se glorifier lui-même dans l’occasion, et se montrer grand et honorable, il les couvre maintenant de confusion en s’appelant condamné : tant c’est une grande chose de savoir tout faire à propos ! Il appelle ici « destinés à la mort » des condamnés, des hommes dignes, de mille morts. « Puisque nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes ». Qu’est-ce que cela signifie : « Nous sommes donnés en spectacle au monde ? » Ce n’est pas dans un coin obscur, veut-il dire, ni dans quelque petite partie de la terre que nous éprouvons cela, mais en tout lieu et chez tous. Que veut dire : « Et aux anges ? » Ceci : Quand il s’agit d’œuvres sans importance, on peut attirer l’attention des hommes, mais non celle des anges ; or nos combats sont tels qu’ils méritent d’avoir pour spectateurs les anges eux-mêmes. Voyez : il se relève par là même où il se rabaissait, et comme il fait ressortir leur