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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/384

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sans scruter votre propre conscience ? Quand même toits vous admireraient, ne devriez-vous pas encore rougir, vous voiler la face de honte, en recueillant leurs applaudissements, puisque leurs Jugements partent d’une source si impure ? De plus, le blasphème n’est point une chose horrible pour un législateur ; aucun blasphémateur n’est traduit devant un tribunal ni puni. Mais celui qui vole un habit ou coupe une, bourse, est torturé et souvent condamné à mort ; tandis que l’homme qui outrage Dieu est innocent aux yeux de ces législateurs. Si un homme marié déshonore sa servante, ni les lois profanes, ni l’opinion publique n’y attachent la moindre in portance.
Voulez-vous d’autres preuves de leur folie ? Ils ne punissent point ces crimes, mais ils font dès lors pour d’autres sujets. Quels sujets ? Ils établissent des théâtres ; ils y introduisent des chœurs de prostituées, de jeunes débauchés, l’opprobre de la nature ; ils y convoquent un peuple entier, y attirent toute une ville comme à une récréation, et y couronnent ces grands souverains dont les trophées et les victoires sont le constant objet de leurs louanges. Quoi de plus froid que de pareils honneurs ? Quoi de plus désagréable que de tels plaisirs ? Et c’est là que vous chercherez des approbateurs de votre conduite ? Vous voulez, dites-moi, partager des éloges avec des danseurs, des débauchés, des mimes et des femmes publiques ? Et ce ne serait pas là le comble de la folie ? Volontiers je demanderais à ces gens-là : N’est-ce pas une indignité de renverser les lois de la nature, de se livrer à des commerces monstrueux ? Certainement, répondront-ils paraissant ainsi condamner ce genre de crime. Pourquoi alors mettez-vous en scène ces impudents libertins ; et, ce qui est pire encore, les comblez-vous de mille précieux présents ? Ailleurs vous les puniriez comme des coupables, et ici vous les traitez comme des bienfaiteurs de la ville, et les entretenez aux dépens du trésor public. Oui, dites-vous, mais ils sont déshonorés. Pourquoi donc les formez-vous ? Pourquoi les employez-vous pour honorer les rois ? Pourquoi épuisez-vous les villes ? Pourquoi tant dépenser pour eux ? S’ils sont déshonorés, il faudrait les chasser comme tels : Pourquoi les avez-vous rendus infâmes ? Est-ce pour les estimer ou pour les mépriser ? Pour les mépriser, évidemment. Vous les rendez donc infâmes pour les mépriser, et vous accourez pour les voir, et vous les admirez, et vous les louez, et vous les applaudissez comme s’ils étaient honorables.
Et que dire des séductions offertes dans les hippodromes et les combats d’animaux ? On est stupéfait en songeant qu’on apprend là, au peuple, à être barbare, cruel, inhumain ; qu’on l’habitue à voir des hommes mis en pièces, le sang couler, les bêtes sauvages exercer toute leur cruauté. Et les sages législateurs ont introduit, dès le commencement des épidémies, et des villes entières admirent et applaudissent. Mais laissons cela de côté, si vous le voulez, puisque l’absurdité en est évidente et avouée de tous, bien que les législateurs l’aient jugé autrement, et passons à des lois honorables, où vous verrez que l’opinion du vulgaire a encore apporté la corruption.
Le mariage, est regardé comme une chose honorable chez nous et cirez les gentils, et il l’est en effet ; mais il se passe dans sa célébration les choses ridicules que vous allez entendre. Car la coutume a si bien trompé, égaré les esprits, que beaucoup n’en comprennent pas l’absurdité et ont besoin qu’on la leur découvre. On a donc introduit pour cette occasion des danses, des cymbales ; des flûtes, des chants obscènes, des excès de table, des débauches, tous les désordres que Satan peut inspirer. Et je sais qu’en attaquant ces abus je paraîtrai ridicule ; et que la foule m’accusera de stupidité pour avoir essayé de détruire les anciennes coutumes : tant est grand, comme je l’ai dit, entraînement de l’habitude ; mais je ne cesserai pas pour autant. Si la masse repousse ma parole, peut-être, oui, peut-être quelques-uns l’accueilleront-ils, et aimeront-ils mieux être ridicules avec nous que de prendre part aux railleries contre nous : railleries vraiment déplorables et dignes des plus grands châtiments. N’est-ce pas une chose absolument condamnable qu’une jeune fille, restée vierge jusque-là ; élevée dès le bas âge dans le sentiment de la pudeur, soit tout à coup forcée de le déposer, reçoive dès le moment de son mariage, des leçons d’impudicité, et soit produite en public par des libertins, des fornicateurs et des débauchés ? quels germes de vice ne seront pas, dès ce moment, déposés dans l’âme de la jeune mariée ? L’impudence, l’audace, l’immodestie, l’amour de la vaine gloire ; car elle