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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/388

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 Vous régnez sans nous » et : « Dieu nous a traités, nous les apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à « mort » ; il fait voir ensuite comment ils étaient destinés à la mort, en disant : « Nous sommes insensés, faibles, méprisés ; nous souffrons la faim et la soif, nous sommes nus, déchirés à coups de poing, nous n’avons pas de demeure stable, et nous nous fatiguons ; travaillant de nos mains » : Autant de signes qui indiquaient des docteurs et de véritables apôtres. Les Corinthiens au contraire se glorifiaient de choses tout opposées de la sagesse, de la gloire, de la richesse, des honneurs. Voulant donc guérit leur enflure, et leur montrer qu’il faut s’humilier de tout cela, bien loin de s’enorgueillir, il les raille d’abord en disant : « Vous régnez sans nous ». C’est-à-dire : Moi j’affirme que ce n’est pas le moment de jouir de l’honneur et de la gloire, comme vous le faites, mais d’être injuriés et persécutés : comme nous le sommes. S’il n’en est pas ainsi, et que nous soyons à l’heure des récompenses, comme je le vois (il parle ironiquement), vous, les disciples, vous régnez déjà ; et nous les maîtres ? et les apôtres qui devrions les premiers être récompensés, non seulement nous sommes les derniers d’entre vous, mais nous sommes comme destinés à la mort, c’est-à-dire condamnés, Nous vivons continuellement dans l’ignominie, dans les périls, en proie à la faim, injuriés et chassés comme des fous, et souffrant des maux intolérables. Son but est de leur faire comprendre qu’ils doivent envier le sort des apôtres, c’est-à-dire, les périls et les injures, et non les honneurs et la gloire car c’est ainsi que l’exige la prédication. Il ne dit cependant point cela directement, pour ne pas leur paraître importun, mais il exprime ce reproche d’une manière convenable. Si en effet il eût voulu aller droit au but, il aurait dit : Vous vous égarez, vous vous trompez, vous êtes à une grande distance de l’enseignement apostolique ; il faut qu’un apôtre, qu’un ministre du Christ, passe pour insensé, qu’il vive comme nous dans la tribulation et le mépris ; et vous faites précisément le contraire.
Mais ce langage les eût irrités davantage, parce qu’ils y auraient vu l’éloge des apôtres et leur audace s’en fût accrue, à raison des reproches de lâcheté, de vaine gloire et d’amour du plaisir. Aussi n’est-ce pas là son procédé ; mais celui qu’il emploie frappe davantage, en blessant moins. C’est pour cela qu’il fait usage de l’ironie, en disant : « Vous, vous êtes forts et honorés ». En parlant sans ironie, il aurait dit : Il ne peut se faire que l’un passe pour fou, l’autre pour sage ; l’un pour fort, l’autre pour faible, la prédication ne comportant pas les deux. S’il en était autrement, ce que vous dites aurait quelque raison ; mais à cette heure il n’est pas permis de passer pour sage, d’être honoré, de vivre sans périls. Sinon, il faut que Dieu vous ait préférés à nous, vous les disciples à nous les maîtres qui souffrons en mille manières. Si personne n’ose le dire, il ne vous reste qu’à marcher sur nos pas. Et n’allez pas croire, ajoute-t-il, que je ne parle ici que du passé : « Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim et la soif, et nous sommes nus ». Voyez-vous que telle doit être la vie du chrétien, non pas un jour ou deux, mais toujours ? L’athlète qui a été couronné : dans un combat, ne l’est plus dans le second s’il vient à succomber. « Et nous souffrons la faim », en face de ceux qui vivent dans les, délices ; « et nous sommes déchirés à coups de poing », en face da ceux qui sont, bouffis d’orgueil ; « nous n’avons pas de demeure stable », en face de ceux qui tombent ; « et nous sommes nus », en face de ceux qui sont riches ; « et nous nous fatiguons », en face des faux apôtres qui ne supportent ni le travail ni le danger, et cependant recueillent le profit. Il n’en est pas ainsi de nous, dit-il ; mais au milieu des dangers du dehors nous nous livrons à un travail continuel. Et ce qui est plus encore : personne ne peut dire que nous en soyons affligés ni que nous accusions ceux qui nous persécutent : nous leur rendons au contraire le bien pour le mal. Et c’est en cela que consiste la grandeur, et non à souffrir injustement (ce qui est commun à tous les hommes), mais à supporter le mal, sans peine et sans aigreur.
2. Et non seulement nous ne nous affligeons pas, mais nous nous réjouissons. Et la preuve c’est que nous rendons le bien pour le mal : Pour vous convaincre que c’était là la conduite des apôtres ; écoutez ce qui suit : « On nous maudit, et nous bénissons ; on nous, persécute, et nous le supportons ; on nous blasphème, et nous prions ; nous sommes devenus jusqu’à présent comme les ordures du monde » ; c’est-à-dire insensés pour le