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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/389

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Christ. Car celui qui souffre injustement, sans se venger et sans se plaindre, passe aux yeux de ceux du dehors pour un insensé, pour un homme déshonoré et faible. Mais pour ne pas être trop dur en imputant ces souffrances à la ville de Corinthe, que dit-il ? « Nous sommes devenus les ordures », non de votre ville, mais « du monde » ; et encore : « Les balayures rejetées de tous », non pas seulement de vous, mais de tous. Et comme quand il parle de la bonté providentielle du Christ, il laisse de côté la terre, le ciel, toute la création, pour ne mentionner que la croix ; ainsi voulant attirer à lui les Corinthiens, il passe ses miracles sous silence pour ne parler que de ce qu’il a souffert pour eux. Ainsi d’ordinaire quand nous avons éprouvé des injures ou du mépris de la part de quelqu’un, nous ne rappelons pas autre chose que ce que nous avons souffert pour lui. « Les balayures rejetées de tous, jusqu’à cette heure ». Il frappe un coup violent à la fin. « De tous », non seulement de nos persécuteurs, mais encore de ceux pour qui nous souffrons persécution : ce qui veut dire : Je leur en suis très reconnaissant. C’est un signe de vive indignation ; non qu’il se plaigne, mais il veut les frapper. Car il les caresse, malgré les mille sujets de plaintes qu’il pourrait produire. C’est pour cela que le Christ nous ordonne de supporter patiemment les injures, afin de rester sages nous-mêmes et de mieux confondre nos ennemis : ce qu’on obtient plutôt parle silence qu’en rendant injure pour injure. Ensuite voyant que le coup serait insupportable, il apporte le remède, en disant : « Je n’écris point ceci pour vous donner de la confusion, mais je vous avertis comme mes fils bien-aimés ». Je ne parle pas ici pour vous couvrir de honte. Il dit n’avoir pas fait ce qu’il a réellement fait en paroles ; ou plutôt il dit qu’il l’a fait, mais sans mauvaise intention et sans haine. Car c’est là le meilleur remède : s’excuser d’avoir prononcé une parole, par l’intention que l’on a eue en la prononçant. Il ne lui était pas permis de ne pas parler, parce qu’ils ne se seraient pas corrigés ; mais laisser la plaie sans remède, c’eût été chose pénible : aussi s’excuse-t-il sérieusement. Par là non seulement la blessure ne disparaît pas, mais elle pénètre plus avant, quand on console de la douleur qu’elle Cause. Celui qui la reçoit est plus disposé à se corriger, quand il s’aperçoit qu’elle lui est infligée par charité et non par haine. Ici le langage est très grave et propre à donner de la confusion. En effet ; il ne parle pas comme docteur, comme apôtre, comme un maître ayant des disciples (ce qui eût senti l’autorité), mais il dit : « Je vous avertis comme mes fils bien-aimés » ; non seulement comme des fils, mais comme des fils très chers. C’est leur dire : pardonnez-moi ; s’il y a ici quelque chose de pénible, c’est l’amour qui me l’a dicté. Il ne dit pas : Je vous blâme, mais « Je vous avertis ». Or, qui ne supporterait un père affligé et donnant de sages conseils ? Aussi lie s’exprime-t-il de la sorte qu’après avoir frappé le coup.
Quoi donc ! direz-vous, les autres maîtres nous ménagent-ils ? Je ne dis pas cela ; mais ils ne vous traitent pas de cette façon. L’apôtre ne parle pas ici obscurément ; mais il désigne les fonctions, les noms : il parle de maître et de père. « Car eussiez-vous dix mille maîtres a dans le Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères ». Ici ce n’est plus sa dignité, mais son immense charité qu’il fait voir ; il ne les blesse plus en ajoutant : « Dans le Christ » ; mais il les console, en appelant maîtres, et non flatteurs, ceux qui supportaient les soucis et les peines, et il leur témoigne sa sollicitude. Aussi ne dit-il pas : Vous n’avez pas plusieurs maîtres mais : « Plusieurs pères ». Il ne voulait donc pas leur rappeler sa dignité, ni les biens sans nombre qu’ils avaient reçu de lui ; mais tout en accordant que leurs maîtres avaient pris beaucoup de peine leur occasion (ce qui est le propre d’un maître), il ne se réserve que l’excès de l’amour. Or ceci est le propre d’un père. Il ne dit pas seulement : Personne ne nous aime ainsi (ce qu’il avait droit de dire) ; mais il en produit la preuve ne fait. Quel fait ? « C’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus ». Dans le Christ Jésus : ce n’est donc pas à moi que je l’attribue. De nouveau il frappe sur ceux qui s’attribuaient la gloire de l’enseignement. « Car », leur dit-il, « vous êtes le sceau de mon apostolat » (1Cor. 9,2) ; et encore : « Je vous ai plantés », et ici : « Je vous ai engendrés ». Il ne dit pas : J’ai annoncé la parole ; mais : « J’ai engendré », en employant les expressions de la nature. Il n’a qu’un soin leur montrer l’amour qu’il leur a porté. Ceux-là vous ont attirés d’après mes instructions ; mais si vous êtes fidèles, c’est à moi que vous