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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/390

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le devez. Et de peur que cette expression « Comme mes fils », ne vous semble une flatterie, il en vient au fait même. « Je vous en conjure donc : Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ ». O ciel ! Quelle confiance de maître ! Quel modèle accompli, puisqu’il le propose à l’imitation des autres ! Du reste il ne parle pas ainsi par orgueil, mais pour montrer que la vertu est facile.
3. Ne me dites pas : Je ne peux pas vous imiter ; vous êtes un maître et un homme distingué. Car il y a moins de distance de vous à moi que de moi au Christ ; et pourtant j’imite le Christ. Quand il écrit aux Éphésiens, il ne se propose pas lui-même pour modèle, mais il les mène d’abord droit ail but, en disant : « Soyez les imitateurs de Dieu » (Eph. 5,1) ; ici, comme il parle à des faibles, il s’interpose lui-même. D’autre part il leur fait voir qu’il est possible d’imiter le Christ. En effet, Celui qui imite parfaitement le sceau, reproduit le modèle. Voyons donc comment il a imité le Christ. Cette imitation ne demande ni temps ni art, mais seulement de la bonne volonté. Si nous entrons dans l’atelier d’un peintre, nous ne pouvons imiter un tableau quand même nous le regarderions des milliers de fois ; mais le peintre l’imitera rien qu’à en entendre parler. Voulez-vous que nous vous mettions le tableau sous les yeux et vous tracions la vie de Paul ? Qu’il paraisse donc, ce tableau, beaucoup plus éclatant que les images des rois. Car ce qui est sous mes regards n’est pas un assemblage de pièces de bois ni des toiles étalées, mais l’œuvre de Dieu : une âme et un corps. L’âme est l’ouvrage de Dieu, et non des hommes, et les corps également. Vous avez applaudi ? Ce n’est pas encore le moment ; ce sera dans la suite qu’il faudra applaudir en imiter. Jusqu’ici, ce dont il s’agit est commun à tous les hommes. Une âme, en effet, en tant qu’âme, ne diffère pas d’une autre ; « la volonté seule fait la différence. De même que le corps, en tant que corps, ne diffère pas d’un autre, en sorte que celui de Paul ressemble à celui de tout le monde, et que les épreuves seules l’ont rendu plus glorieux : ainsi en est-il de l’âme.
Mettons donc sous vos yeux un tableau, l’âme de Paul. Le tableau était d’abord chargé de poussière et de toile d’araignées[1]; car il n’y a rien de pire que le blasphème. Mais quand vint Celui qui change tout, il vit que ce n’était, point là l’effet de la lâcheté ni de la mollesse, mais de l’ignorance et du défaut des couleurs de la piété, qu’il y avait du zèle mais pas de couleurs (car Paul n’avait pas le zèle selon la science) : alors il lui donne la couleur de la vérité, c’est-à-dire la grâce, et en fait immédiatement, un tableau royal. Ayant en effet reçu la couleur et appris ce qu’il ignorait, il n’a pas besoin du temps ; sur-le-champ il devient un artiste parfait. D’abord il montre une tête royale, en prêchant le Christ ; ensuite le corps entier, par une règle de vie sévère. Les peintres s’enferment, et travaillent en repos et avec une grande assiduité, sans ouvrir à personne ; ainsi Paul plaçant son tableau au milieu du monde, ne s’inquiète pas des contradicteurs, ni du tumulte, ni du trouble qui règne autour de lui, et travaille sans obstacle au royal portrait. Aussi disait-il : Nous sommes donnés en spectacle au monde, au moment où il peignait, son tableau au milieu de la terre et de la mer, en présence du ciel et du globe entier, du monde sensible et spirituel.
Voulez-vous voir le reste, à partir de la tête ? ou voulez-vous remonter de bas en haut?. Voyez cette statue d’or, bien plus précieuse que l’or, telle qu’elle existe sans doute dans le ciel, non-enchaînée par le poids d’un plomb vil, non fixée en un seul lieu ; mais courant de Jérusalem jusqu’en Illyrie, puis partant pour l’Espagne, et portée comme sur des ailes à travers le monde entier. Quoi de plus beau que ces pieds qui ont parcouru toutes les contrées, éclairées par le soleil ? Le prophète avait prédit cette beauté, quand il disait : « Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix ! » (Is. 52,7) Voyez-vous comme ces pieds sont beaux ? Voulez-vous aussi voir sa poitrine ? Venez, je vous la montrerai, et vous vous convaincrez qu’elle est beaucoup plus belle que ces pieds déjà si beaux, et plus belle encore que celle de l’ancien Législateur. Moïse, Il est vrai, porta les tables de pierre ; mais celui-ci possédait le Christ en lui-même, et portait l’image du roi et du propitiatoire ; il était donc plus honorable que les chérubins. La voix qui sortait du propitiatoire n’était point comparable à celle-ci ; elle ne parlait guère que des choses sensibles ; celle de Paul exprime des chose plus élevées que les cieux ; l’une ne

  1. Allusion à l’état de saint Paul avant sa conversion.