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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/39

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souvent pour une valeur de dix oboles. Mais parce que Dieu ne lance pas sa foudre et ne nous écrase pas, nous continuons à le blasphémer ; et dans quelles circonstances ? A propos d’un panier de légumes, d’une paire de souliers, ou d’une modique somme d’argent.
Eh quoi ! si Dieu ne nous punit pas sur-le-champ, croyons-nous ne pas commettre de péché ? Erreur ! ce délai de sa vengeance ne prouve qu’une chose, la miséricorde du Seigneur, et nullement notre vertu. Pourquoi donc ne jurez-vous point par la vie de votre enfant, ou par, la vôtre ? Et pourquoi ne dites-vous pas : Si je manque à ma parole, que je sois livré aux mains du bourreau ? Mais vous craignez de proférer un, pareil serment, et à vos yeux, Dieu est moins que vos membres et que votre tête. Prononcez du moins quelque, imprécation contre vous-mêmes. Mais Jésus-Christ a porté à notre égard la bonté jusqu’à nous défendre de jurer par notre tête ; et nous, au contraire, nous poussons la témérité jusqu’à profaner la gloire de Dieu, et attester son saint nom sous le plus frivole prétexte. Vous ne savez donc pas ce qu’est Dieu, et quelle bouche est digne de l’invoquer ? S’agit-il d’un homme illustre par ses vertus, nous disons : Purifiez vos lèvres et louez-le ensuite ; mais nous prononçons à la légère et sans aucun respect le nom adorable du Seigneur, ce nom qui est au-dessus de tout nom, qui est admirable sur toute la terre, et que les démons eux-mêmes n’entendent qu’avec frémissement.
6. O détestable coutume qui nous fait mépriser le nom du Seigneur ! Certes, si vous forciez votre débiteur à jurer dans le lieu saint, vous vous croiriez coupable de sacrilège. Mais qui vous inspirerait cette horreur ? L’usage qui est contraire à de pareils serments, tandis que ce même usage les autorise en tout autre lieu. Eh quoi ! est-il donc permis de prononcer en vain le saint nom de Dieu ? Les Juifs l’entouraient d’un tel respect qu’ils l’écrivaient sur une lame d’or, et que le grand prêtre seul la portait sur le front. Nous, au contraire, nous le proférons presque à chaque instant avec une coupable légèreté. Si dans l’ancienne loi il était interdit de prononcer même le nom de Dieu, n’est-ce pas, je vous le demande, une étrange audace et un véritable délire que de l’appeler en témoignage de notre parole ? Toute perte devrait nous paraître préférable à un tel blasphème. Je vous le répète donc, et je vous adjure de ne pas l’oublier. Bannissez le serment de toutes vos transactions civiles ou commerciales, et amenez-moi tous les désobéissants. Oui, je vous le dis et je vous le recommande en présence de tout le clergé de cette ville, il n’est permis à personne de jurer, soit en prenant en vain le nom de Dieu, soit de toute autre manière.
Si quelqu’un viole cette défense, qu’on me le dénonce, quel qu’il soit. Vous n’êtes que des enfants, et il faut que je vous traite comme des enfants. Mais qu’il n’en soit pas ainsi ! car je rougirais pour vous si vous aviez encore besoin d’être menés la verge à la main. Oseriez-vous, n’étant que catéchumène, vous approcher de la table sainte ? Et ce qui est bien plus grave encore, vous ne craignez point, après votre baptême, de vous asseoir à cette table, dont tous les prêtres n’approchent pas, et de vous permettre ensuite de criminels jurements. Certes, vous n’oseriez, au sortir de ce lieu saint, frapper votre enfant, et vous n’avez ni honte, ni crainte de jurer après avoir communié ! Amenez-moi les coupables ; j’en ferai bonne justice, et je les renverrai contents et satisfaits. Au reste, faites ce que vous voudrez ; pour moi, je vous intime ce commandement : Ne jurez point. Eh ! comment espérer encore que l’on sera sauvé si l’on transgresse ainsi toutes les lois divines ? Les contrats et les actes de commerce ne sont-ils donc faits que pour la perte de votre âme ? Et pouvez-vous gagner autant que vous perdrez ?
Celui que vous avez appelé à serment se parjure-t-il ? Vous perdez son âme et la vôtre. – Mais il remplira son serment. – Vous n’en avez pas moins donné la mort à son âme, en le forçant de transgresser un précepte divin. Corrigeons-nous donc de cette criminelle coutume, et bannissons le serment de la place publique, des boutiques, et en général de toutes nos transactions. Nous sommes, assurés d’en retirer le plus grand fruit. Car ne pensez pas avancer vos affaires en transgressant la loi divine. Mais personne, me direz-vous, ne veut me croire sur parole, et l’on m’oblige à mille serments. Telle est l’objection qui m’est faite souvent ; et moi je vous réponds que vous êtes coupables de jurer ainsi avec tant de facilité. Car s’il en était autrement et si l’on savait bien que jamais vous ne vous permettez de jurer, je vous assure qu’on aurait plus de confiance en votre parole qu’aux serments multipliés