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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/392

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recevrons une riche récompense ; mais si nous engraissons notre corps et menons une vie de pourceau, même au sein de la paix nous commettrons bien des fautes, et nous nous attirerons du déshonneur. Ne voyez-vous pas contre qui nous avons à combattre ? Contre des puissances incorporelles. Comment donc, nous qui sommes chair, en triompherons-nous ? S’il faut manger sobrement quand on combat contre des hommes, à plus forte raison pour lutter contre les démons. Mais si nous sommes enchaînés par l’embonpoint et la richesse, comment vaincrons-nous nos ennemis ? Car c’est un lien que la richesse : un lien bien lourd pour ceux qui ne savent pas en user ; un tyran cruel et inhumain qui n’a d’autre but que de perdre ses esclaves. Mais, si nous le voulons, nous détrônerons ce barbare tyran ; nous en ferons notre serviteur ; au lieu de notre maître. Et comment cela ? En distribuant nos richesses à tout le monde. Tant que l’opulence nous trouve seuls à seuls, comme un brigand dans un lieu isolé, elle nous fait tous tes maux possibles ; mais quand nous l’aurons produite en public, elle ne nous dominera plus, parce qu’elle sera enchaînée de tous côtés.
5. Je ne prétends point dire par là que la richesse soit un péché ; mais le péché est de ne la pas distribuer aux pauvres et d’en faire mauvais usage. Dieu n’a rien créé de mauvais ; tout ce qu’il a fait est bon ; les richesses sont donc aussi un bien, à condition qu’elles ne domineront point ceux qui les possèdent, et qu’elles feront disparaître la pauvreté du prochain. La lumière qui ne dissipe pas les ténèbres, mais les augmente, n’est pas bonne ; je n’appellerai pas non plus bonnes les richesses qui augmentent la pauvreté au lieu de la détruire. Le riche ne cherche pas – à recevoir, mais à donner ; s’il demande, il n’est plus riche, mais pauvre. Les richesses ne sont donc point un mal ; mais le mal c’est cette étroitesse d’esprit qui transforme la richesse en pauvreté. Ces sortes de riches sont plus malheureux que ceux qui mendient dans les rues, que les aveugles et les estropiés ; ces hommes somptueusement vêtus de soie sont au-dessous du pauvre couvert de mauvais baillons ; ces mortels qui s’avancent fièrement sur la plage publique sont plus à plaindre que les mendiants qui hantent les carrefours, entrent dans les cours, et crient, et demandent l’aumône d’en bas. Car ceux-ci louent Dieu et profèrent des paroles propres à exciter la pitié et pleines de sagesse ; aussi-en avons-nous compassion et leur tendons-nous la main sans jamais les accuser. Mais les mauvais riches tiennent le langage de la cruauté, de l’inhumanité, de la rapine et d’une convoitise satanique ; aussi sont-ils odieux et ridicules aux yeux de tout le monde. Dites-moi un peu : lequel paraît honteux chez tous les hommes de demander aux riches, ou d8 demander aux pauvres ? Aux pauvres, évidemment. Eh bien ! c’est ce que font les riches ; car ils n’oseraient s’adresser à de plus riches qu’eux. Or ceux qui mendient, demandent aux riches : le mendiant demande au riche et non au mendiant ; mais le riche violente le pauvre.
Autre question : lequel est le plus honnête, de recevoir de personnes gui donnent volontiers et de bonne grâce, ou d’arracher par force et avec importunité ? Évidemment il est plus convenable de ne point forcer les répugnances. Et pourtant les riches les forcent. Car tandis que les pauvres reçoivent de gens qui leur donnent de bon cœur et librement, tout ce que les riches reçoivent leur est donné à contre-cœur et par contrainte : ce qui est l’indice d’une plus grande pauvreté. Si personne ne voulait s’asseoir à une table, où il ne serait pas vu de bon œil par celui qui l’aurait invité, comment serait-il convenable d’extorquer de l’argent par force ? N’écartons-nous pas, ne fuyons-nous pas les chiens qui aboient, parce qu’ils nous fatiguent par leur importunité ? Ainsi font les riches. Mais, dira-t-on, il vaut mieux que la crainte accompagne le don. Et moi je dis qu’il n’y a rien dé plus honteux : c’est le comble du ridicule de tout mettre en mouvement pour obtenir quelque chose. Souvent, par peur, nous avons jeté au chien ce que nous tenions à la main. Lequel, dites-moi, est le plus honteux de mendier en haillons ou en habits de soie ? Quel pardon mérite le riche qui flatte de vieux pauvres pour en obtenir ce qu’ils possèdent, bien qu’ils aient des enfants ? Si vous voulez encore ; examinons les paroles que prononcent les riches et les pauvres quand ils mendient. Que dit le pauvre ? Que celui qui donne l’aumône ne doit pas donner avec parcimonie, parce que ce qu’il donne vient de Dieu, et que Dieu est bon et lui en rendra davantage : langage plein de sagesse et qui renferme une exhortation et un