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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/404

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place. Est-ce juste, direz-vous ? Très juste, certainement. Celui qui hérite d’un bien injustement acquis, s’il n’est pas voleur, retient au moins le bien d’autrui ; il en est parfaitement convaincu, et par conséquent il est juste qu’il en porte la peine. .
Si, en effet, vous aviez accepté le fruit d’un vol et que le propriétaire vînt le réclamer, seriez-vous justifié en disant que ce n’est pas vous qui avez volé ? Nullement. Car enfin que répondriez-vous à l’accusation ? Qu’un autre a commis le vol ? Mais c’est vous qui détenez l’objet volé. Un tel a pris ? mais c’est vous qui jouissez. Les lois des infidèles le savent bien elles qui ordonnent de réclamer, les objets volés, non à ceux qui les ont arrachés de force ou soustraits furtivement, mais à ceux en possession de qui on les trouve tous. Si donc vous connaissez les victimes de l’injustice, restituez-leur et imitez Zachée qui rendit avec usure ; si vous ne les connaissez pas, je vous ouvre une autre voie, pour ne pas vous laisser sans remède : distribuez le tout aux pauvres et vous écarterez le péril. S’il en est qui aient transmis de tels héritages à leurs enfants et à leurs petits-enfants, ils ont subi d’autres châtiments. Mais à quoi bon parler de ce qui se passe ici-bas ? Il n’en sera plus question au jour où les uns et les autres apparaîtront dépouillés, et les volés et les voleurs ; dépouillés de leur argent, mais non pourtant de la même manière : car ceux-ci seront remplis des vices nés de la richesse.
Que ferons-nous donc en ce jour quand paraîtra devant ce terrible tribunal celui qui, victime de l’injustice, a perdu tous ses biens, et que vous serez là, sans avocat pour vous défendre ? Que répondrez-vous au juge ? Ici vous pouvez corrompre le jugement des hommes ; là, la corruption est impossible ; et, encore l’est-elle même ici, puisque ce juge est déjà présent. Car Dieu voit ce qui se passe, il est près de ceux qui souffrent l’injustice, même quand ils ne l’invoquent pas. Oui, quand même celui dont les droits sont violés ne mériterait pas d’être vengé, il a pourtant un vengeur dans Dieu à qui l’injustice déplaît. Mais, dira-t-on, pourquoi ce méchant prospère-t-il ? Cela ne durera pas toujours. Écoutez ce que dit le prophète : « Que ceux qui font le mal n’excitent point votre envie, car bientôt ils se dessécheront comme l’herbe ». (Ps. 36) Où va, dites-moi, le voleur après cette vie ? Où sont ses brillantes espérances ? Qu’est devenue sa réputation honorable ? Tout ne s’est-il pas évanoui ? Tout ce qui composait son existence n’a-t-il pas passé comme un songe, comme une ombre ? N’attendez pas autre chose de tous ses pareils, ni de leurs héritiers. Mais il n’en est pas de même des saints ; vous ne pouvez en dire autant d’eux ; que ce qu’ils possèdent est une ombre, un songe, une fable. Prenons, si vous le voulez, pour exemple celui même qui nous dit tout cela, ce fabricant de tentes, ce Cilicien, dont le père même ne nous est pas connu d’une manière certaine. Mais, direz-vous, comment lui ressembler ? Le voulez-vous sérieusement ? Désirez-vous vraiment être comme lui ? Oui, répondez-vous. Eh bien ! entrez dans la voie où il est entré, lui et ceux qui étaient avec lui. Et quelle voie ?. Écoutez-le : « Dans la faim, la soif et la nudité ». (2Cor. 11,27). Et Pierre : « Je n’ai ni or ni argent ». (Act. 3,6) Ainsi ils n’avaient rien, et cependant ils possédaient tout.
6. Quoi de plus honorable que cette parole ? Quoi de plus heureux et de plus riche ? D’autres plaçaient leur gloire dans des objets bien différents : J’ai tant et tant de talents d’or, d’immenses pièces de terre, des maisons, des esclaves. Paul, au contraire, se vante de n’avoir rien ; il ne cache pas sa pauvreté, comme font les insensés, il n’en rougit pas ; il s’en glorifie. Où sont maintenant les riches, qui comptent leurs intérêts et les intérêts des intérêts, s’emparent des biens de tout le monde et ne sont jamais rassasiés ? Avez-vous entendu la voix de Pierre qui vous apprend que la pauvreté est la mère de la richesse ? Sans rien avoir, elle est plus opulente que ceux qui ceignent le diadème. Cette voix est celle d’un homme qui n’a rien, et elle ressuscite-les morts, redresse les boiteux, chasse les démons et accorde des bienfaits que n’ont jamais pu accorder ceux qui revêtent la pourpre et commandent à de nombreuses et formidables armées ; c’est la voix de ceux qui sont déjà montés au ciel et s’ils trouvent au faîte de la gloire. Ainsi celui qui n’a rien, peut avoir ce qui est à tout le monde ; celui qui ne possède rien, peut posséder ce qui est à tout le monde. Mais nous, si nous avons ce qui est à tout le monde, nous sommes privés de tout. Peut-être verra-t-on là une énigme, et pourtant il n’y en a pas. Comment, dira-t-on,