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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/408

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Encore une fois il intente accusation comme sur une chose avouée. Là il dit : « Il n’est bruit que d’une fornication commise parmi vous » ; et ici : « Quelqu’un de vous ose » ; manifestant ainsi dès l’abord son courroux, et faisant voir l’audace et la monstruosité de la faute. Et pourquoi en vint-il à l’avarice et au devoir de ne point en appeler au jugement des infidèles ? Pour se conformer à son propre usage. Il a en effet coutume de tout rectifier en passant ; comme quand, à propos des repas communs, il fait une digression sur les mystères. Ici donc, après avoir parlé des frères coupables d’avarice, dans sa vive sollicitude pour l’amendement des pécheurs, il sort de son sujet, corrige une espèce de péché amené là par voie de conséquence, puis revient à son premier objet. Écoutons donc ce qu’il en dit : « Quelqu’un de vous ayant avec un autre un différend, ose l’appeler en jugement avant les injustes, et non devant les saints ? » En attendant il s’exprime avec précision, en termes propres, il détourne, il accuse. Tout d’abord il n’infirme pas le jugement qui se rend devant les fidèles ; il ne te fait entièrement disparaître, qu’après les avoir d’abord épouvantés de bien des manières. Surtout, leur dit-il, s’il, faut un jugement,-qu’il n’ait pas lieu devant les injustes ; mais il n’en faut absolument point.
Toutefois ceci ne vient qu’en dernier lieu ; en attendant il défend absolument de se faire juger au-dehors. N’est-ce pas une absurdité, dit-il, que dans un différend avec un ami on prenne un ennemi pour arbitre ? Comment n’êtes-vous pas honteux, comment ne rougissez-vous pas, quand un Grec siège pour juger un chrétien ? Et s’il ne faut pas être jugé par les Grecs dans des questions d’intérêts privés, comment leur confier des affaires plus importantes ? Remarquez son expression : il ne dit pas : devant les infidèles, mais : « Devant les injustes », employant le terme qui peut le mieux servir son but, afin d’inspirer de l’aversion. Car comme il est question de Jugement, et que ceux qui sont jugés exigent surtout dans les juges un grand respect pour l’équité, il part de là pour les éloigner des tribunaux profanes, en leur disant à peu près : où allez-vous ? que faites-vous, ô homme ? Tout le contraire de ce que vous désirez ; car vous recourez à des hommes injustes pour obtenir justice. Et comme il eût été dur de s’entendre tous d’abord interdire le recours aux tribunaux, il n’en vient pas là du premier coup ; il se contente de changer les juges, et d’amener dans l’Église ceux qui devaient être jugés au-dehors. Ensuite, comme la mesure pouvait n’inspirer que peu de confiance ; surtout alors, parce que les juges, pour la plupart simples particuliers et ignorants, n’étaient probablement pas en état de bien comprendre et ne possédaient pas, comme les juges extérieurs, la connaissance des lois et l’art de parler ; voyez comme il relève leur crédit, en les appelant tout d’abord des saints ! Mais comme ce mot n’indiquait que la pureté de leur vie et non les connaissances nécessaires pour instruire une cause, voyez comme il y supplée ; en disant : « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? »
3. Mais vous qui devez un jour les juger, comment souffrez-vous maintenant d’être jugés par eux ? Orles saints ne jugeront pas assis sur un tribunal et en demandent compte aux coupables, mais ils condamneront. C’est ce qu’il indique par ces mots : « Or, si le monde doit être jugé eu vous, êtes-vous indignes de juger des moindres choses ? » Il ne dit pas : Par vous, mais « en vous » ;.comme quand Jésus-Christ dit : « La reine du Midi se lèvera et condamnera cette génération » (Mt. 12,42) ; et encore : « Les Ninivites se lèveront et condamneront cette génération ». (Id. 41) Quand en effet voyant le même soleil, jouissant des mêmes avantages, nous serons trouvés croyants et eux incrédules, ils ne pourront prétexter d’ignorance : car notre propre conduite les condamnera. On trouvera encore bien d’autres motifs de condamnation. Et pour qu’on ne croie pas qu’il a d’autres personnes en vue, voyez comme il parle pour tous : « Et si le monde est jugé parmi vous, êtes-vous indignes de juger les moindres choses ? ». Voilà, leur dit-il, qui vous couvre de honte et vous imprime un immense déshonneur. Vous avez honte, à ce qu’il paraît, d’être jugés par vos frères, et la honte consiste au contraire à être jugé par ceux du dehors : car les jugements des premiers ont peu d’importance, et non ceux des seconds.
« Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Combien plus les choses du siècle ? » Quelques-uns voient ici une allusion aux prêtres, Mais loin, loin cette interprétation ! Car il s’agit des démons. S’il eût en intention de