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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/409

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parler des mauvais prêtres, ce serait donc eux déjà qu’il aurait eus en vue plus haut, quand il disait : « Le monde est jugé par vous » ; puisque l’Écriture donne souvent le nom de monde aux méchants ; ensuite il n’eût point répété la même chose ; et surtout ne l’eût point répétée sous forme de gradation. Mais il parle de ces anges dont le Christ a dit : « Allez au feu qui a été préparé au diable et à ses anges » (Mt. 25,41), et Paul : « Ses anges se transforment en ministres de justice ». (2Cor. 11,45) En effet si les puissances incorporelles nous sont trouvées inférieures, à nous qui sommes revêtus de chair, elles seront plus sévèrement punies. Que si on persiste à dire qu’il s’agit des prêtres, nous demanderons lesquels ? Sans doute ceux qui ont vécu entièrement à la façon des séculiers. Alors comment expliquer ces paroles : « Nous jugerons les anges : combien plus les choses du siècle ? » où il distingue les anges des séculiers, et avec raison : puisque l’excellence de leur nature les place en dehors des besoins de cette vie.
« Si donc vous avez des différends touchant des choses de cette vie, établissez, pour les juger, ceux qui tiennent le dernier rang dans l’Église ». Par cette hyperbole, il veut nous apprendre qu’en aucun cas nous ne devons nous confier à ceux du dehors ; et il a déjà répondu d’avance à l’objection qu’il soulève.
Voici, en effet, ce qu’il entend : Quelqu’un dira peut-être qu’il n’y a personne parmi vous qui soit instruit et capable de juger, que vous êtes tous des hommes sans valeur. Qu’importe ? Quand même vous n’auriez personne de savant, répond-il, confiez vos affaires aux plus petits. « Je le dis pour votre honte ». Ici il réfute l’objection, comme un prétexte inutile. Aussi ajoute-t-il : « N’y a-t-il donc parmi vous aucun sage ? » Êtes-vous si pauvres ? Y a-t-il chez-vous si grande rareté d’hommes intelligents ? Ce qui suit frappé encore plus fort ; car, après avoir dit : n’y a-t-il parmi vous aucun sage ? il ajoute : « Qui puisse être juge entée ses frères ? » Quand le litige est de frère à frère, l’arbitre n’a pas besoin d’une grande intelligence ni d’une grande habileté : l’affection, les relations de parenté aident singulièrement à la solution de telles difficultés : « Mais un frère plaide contre son frère, et cela devant des infidèles ! » Voyez-vous comme d’abord, dans un but d’utilité, il accusait les juges d’être injustes, et maintenant pour exciter la honte, il les appelle infidèles ? C’est quelque chose de bien honteux qu’un prêtre même ne puisse pas rétablir l’accord entre des frères et qu’il faille recourir à des étrangers. En disant donc : « Ceux qui tiennent le dernier rang », il a plutôt voulu les piquer que prétendre élever au rang de juges des hommes sans valeur. Et la preuve qu’on doit confier cette fonction à des hommes capables, c’est qu’il dit : « N’y a-t-il donc parmi vous aucun sage ? » Mais pour mieux fermer la bouche, il ajoute que, quand il n’y en aurait pas, il vaudrait mieux s’en remettre aux frères les moins intelligents qu’à des étrangers. Comment ne serait-il pas absurde que, dans une discussion domestique, on n’appelle aucun étranger, qu’on rougisse même d’est rien laisser transpirer dans le public ; et que dans l’Église, où est le trésor des mystères secrets ; tout soit livré à des étrangers ! « Mais un frère plaide contre son frère, et cela devant des infidèles ! » Double accusation : on plaide, et on plaide devant des infidèles. Si c’est déjà un mal en soi de plaider contre un frère, comment excuser celui qui le fait devant des étrangers ? « C’est déjà certainement pour vous une faute que vous ayez des procès entre vous ». Voyez-vous comme il a réservé jusqu’ici de parler de ce mal et avec quel à propos il le guérit ! C’est leur dire : Je ne dis pas encore que l’un fait tort et que l’autre le subit ; par le seul fait qu’il y a procès, je les désapprouve tous deux, et en cela l’un ne vaut pas mieux que l’autre.
4. Quant à la justice ou à l’injustice de l’action judiciaire, on en traitera ailleurs. Ne dites donc pas : On m’a fait tort ; dès que vous plaidez, je vous condamne. Mais si c’est un crime de ne pouvoir supporter une injure, à plus forte raison en est-ce un de la commettre. « Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt d’être lésés ? Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt la fraude ? Mais vous-mêmes vous lésez, vous fraudez, et cela à l’égard de vos frères ». Encore une fois double accusation, peut-être même triple, quadruple. La première : de ne pouvoir supporter celui qui vous fait tort ; la seconde, de faire tort vous-même ; la troisième, de remettre le jugement à des hommes injustes ; la quatrième, de faire cela à l’égard d’un frère. Car ce n’est pas la