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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/411

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ces lois sont descendues du ciel. Devant les tribunaux profanes, outre ce que nous avons dit, il y a bien d’autres motifs de défiance : l’habileté des avocats, la corruption des juges et beaucoup d’autres choses qui détruisent la justice ; mais ici rien de pareil. Mais, dira-t-on, si l’adversaire est puissant ? Et c’est surtout alors qu’il faut chercher des juges chez nous : car ce puissant l’emportera nécessairement sur vous devant les tribunaux étrangers. Mais s’il n’y consent pas, s’il dédaigne nos propres jugements et nous traîne de force devant les infidèles ? Le meilleur alors pour vous est de supporter avec patience ce que la nécessité vous impose et de récuser le tribunal, pour obtenir la récompense. Car Jésus-Christ a dit : « À celui qui veut vous appeler en justice pour vous enlever votre tunique, abandonnez-lui encore votre manteau » (Mt. 5,40) ; et encore : « Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire, pendant que vous êtes en chemin avec lui ». (Id. 21) Et pourquoi chercher des témoignages chez nous ? Les chefs des tribunaux étrangers disent très souvent qu’il vaut mieux s’arranger que plaider.
Mais, ô richesses ! ou plutôt, ô absurde attachement aux richesses ! tu détruis tout, tu renverses tout ; pour toi, tout le reste n’est que bagatelle et fable aux yeux de la foule. Que des séculiers assiègent les tribunaux, à cela rien d’étonnant ; mais que beaucoup de ceux qui ont renoncé au monde en fassent autant, voilà qui n’est pas pardonnable. Si vous voulez savoir combien l’Écriture condamne chez vous cet abus, et pour qui les lois sont faites, écoutez ce que dit Paul : « La loi n’est pas établie pour le juste, mais pour les injustes et les insoumis ». (1Tim. 1,9) Or s’il a dit cela de la loi de Moïse, à plus forte raison des lois païennes. Si donc vous faites tort, vous êtes évidemment injuste : si vous êtes lésé et que vous le supportiez (ce qui est le caractère propre du juste), vous n’avez pas besoin des lois étrangères. Mais, dites-vous, comment puis-je supporter l’injustice ? Le Christ vous demande plus encore, non seulement, il veut que celui qui est lésé le supporte, mais encore qu’il se montre généreux à l’égard de son ennemi et triomphe de son mauvais vouloir par sa patience et sa libéralité. En effet, il ne dit pas : Donnez votre tunique à celui qui vous la dispute en justice ; mais : Donnez-lui encore votre manteau. Remportez la victoire sur lui, en supportant l’injustice, et non en rendant le mal pour le mal : voilà le vrai, le glorieux triomphe. C’est pourquoi Paul dit à son tour : « C’est déjà certainement pour vous une faute que vous ayez des procès entre vous ; pourquoi ne supportez-vous pas plutôt d’être lésés ? »
Je vous ferai voir que celui qui supporte l’injure est plutôt vainqueur que celui qui ne la supporte pas. Ce dernier, en effet, est surtout battu quand il traîne son adversaire au tribunal et qu’il gagne son procès : car il a éprouvé ce qu’il voulait éviter : son adversaire l’a forcé à souffrir et à intenter une action. Après cela, qu’importe la victoire ? qu’importe que vous ayez tout l’argent ? En attendant vous avez subi ce qui vous déplaisait : on vous a forcé à faire un procès. Si au contraire vous supportez l’injustice, même en perdant votre argent vous remportez la victoire, mais non une victoire selon leur sagesse : car votre adversaire n’a pu vous forcer à faire ce que vous ne vouliez pas. Et pour preuve de la vérité de ce que j’avance, dites-moi : lequel fut le vainqueur du jaloux ou de l’homme assis sur son fumier ? Lequel fut vaincu, de Job qui avait tout perdu, ou du démon qui avait tout pris ? Évidemment ce fut le démon, qui avait tout pris. A. qui accordons-nous l’admiration due au triomphe, du démon qui frappait, ou de Job qui était frappé ? Évidemment à Job. Cependant il n’avait pu conserver sa fortune, ni sauver ses enfants. Et que parlé-je de fortune et d’enfants ? Il ne peut pas même garantir son propre corps. Et pourtant il resta le vainqueur, lui qui avait tout perdu. Il ne put conserver sa fortune, mais il conserva toute sa piété. – Il ne vint point au secours de ses enfants mourants. – Qu’importe ? leur malheur les a rendus plus glorieux, et il s’est aidé lui-même dans ses souffrances. S’il n’eût été maltraité et outragé par le démon, il n’aurait pas remporté cette magnifique victoire. Si c’était un mal de souffrir l’injustice, Dieu ne nous en eût pas donné l’ordre : car Dieu ne commande jamais le mal ; et ne savez-vous pas qu’il est le Dieu de la gloire ? qu’il n’a pas voulu nous livrer à la honte, à la dérision et à l’injustice, mais rapprocher les contraires ? Voilà pourquoi il veut que nous supportions l’injustice, et met tout en œuvre pour nous