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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/412

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détacher des choses du monde, et nous montrer où est la gloire et le déshonneur, la perte et le profit.
6. Mais, dit-on, il est dur d’être injurié et lésé. Non, ô homme, cela n’est pas dur. Jusqu’à quand serez-vous avide des biens présents ? Dieu ne vous eût pas commandé cela, si c’était un mal. Voyez un peu : Celui qui a commis l’injustice s’en va avec son argent, mais aussi avec une conscience coupable ; celui qui a été lésé est privé de son argent, mais il a la confiance en Dieu, trésor mille fois plus précieux. Puisque nous savons cela, soyons sages par volonté et ne nous exposons point au sort des insensés qu’ils croient n’être pas lésés, quand ils le sont réellement par un tribunal. Tout au contraire, c’est là un très grand dommage ; comme en général, quand nous ne sommes pas juges de nous-mêmes, mais par force et à la suite d’une défaite. Car il n’y a pas de profit à supporter la condamnation d’un tribunal, puisqu’on ne le fait que par force. Mais où est l’honneur de la victoire ? À dédaigner cette démarche, à ne point plaider. Quoi ! direz-vous, on m’a tout pris, et vous voulez que je me taise ? On m’a fait tort, et vous m’exhortez à le supporter patiemment ? Comment le pourrais-je ? Vous le pourrez très facilement, si vous levez les yeux vers le ciel, si vous contemplez sa beauté, vous souvenant que Dieu a promis de vous y recevoir, dans le cas où vous supporteriez généreusement l’injustice. Faites-le donc, et en levant les yeux au ciel, songez que vous êtes devenu semblable à celui qui y est assis sur des chérubins. Car lui aussi a été accablé, d’injures et il les a supportées ; il a été outragé et ne s’est point vengé ; il a été couvert de crachats et ne s’est point défendu ; mais il a fait tout le contraire, en comblant de bienfaits ceux qui l’avaient ainsi traité, et il nous a ordonné de l’imiter. Songez que vous êtes sorti nu du sein de votre mère ; que vous vous en retournerez nu, vous et celui qui vous a fait tort, ou plutôt qu’il s’en ira, lui, avec mille blessures engendrant les vers. Songez que les choses présentes sont passagères, comptez les tombeaux de vos aïeux, examinez bien ce qui s’est passé, et vous verrez que votre ennemi vous a rendu plus fort ; car il a augmenté sa passion, l’amour de l’argent, et il affaiblit la vôtre en lui ôtant son aliment de bête fauve.
De plus il vous a débarrassé des soucis, des angoisses, de la jalousie des sycophantes, de l’agitation, du trouble, des craintes continuelles ; et il a entassé tous les maux sur sa tête ; Mais, direz-vous, si je lutte avec la faim ? Alors vous partagez le sort de Paul qui nous dit : « Jusqu’à cette heure nous souffrons la « faim et la soif, et nous sommes nus ». (1Cor. 4,2) Il souffrait pour Dieu, ajoutez-vous. Et vous aussi, car dès que vous ne vous vengez pas, vous agissez en vue de Dieu. – Mais celui qui m’a fait tort, vit avec les riches au sein des plaisirs. – Dites plutôt avec le démon ; et vous vous êtes couronné avec Paul. Ne craignez donc pas la faim ; « car Dieu ne laissera pas périr de faim les âmes des justes ». (Prov. 10,3) Et le psalmiste nous dit encore : « Jetez vos soucis dans le sein du Seigneur, et lui-même vous nourrira ». (Ps. 54) Car s’il nourrit les oiseaux des champs, comment ne vous nourrirait-il pas ? Ne soyons donc pas, mes bien-aimés, des gens de peu de foi, des hommes pusillanimes. Comment celui qui nous a promis le royaume des cieux et de si grands avantages, ne nous donnerait-il pas les biens présents ? Ne désirons pas le superflu, contentons-nous du nécessaire, et nous serons toujours riches ; cherchons le vêtement et la nourriture ; et nous la recevrons et même beaucoup plus. Et si vous êtes encore affligé et baissant la tête, je voudrais vous faire voir l’âme de votre ennemi après sa victoire, comme elle est devenue poussière. Car voilà ce que c’est que le péché : pendant qu’on le commet, il procure un certain plaisir ; une fois qu’il est commis, le plaisir disparaît et le chagrin succède. Voilà ce que nous éprouvons quand nous faisons injure à notre prochain : nous finissons par nous condamner nous-mêmes. Ainsi quand nous prenons le bien d’autrui, nous goûtons de la satisfaction ; mais viennent ensuite les remords de conscience.
Vous voyez un tel posséder la maison des pauvres ? Pleurez, non sur la victime, mais sur le voleur ; le, voleur n’a pas donné le coup, il l’a reçu. Il a privé l’autre des biens présents ; il s’est privé lui-même des biens éternels. Car si celui qui ne donné pas aux pauvres va en enfer, que sera-ce de celui qui les dépouille ? Et que gagné-je, dites-vous, à souffrir l’injustice ? Beaucoup. Ce n’est pas en punissant votre ennemi que Dieu vous dédommage : cela n’en vaudrait guère la peine. Que gagnerais-je, en effet, à ce que mon ennemi fût malheureux