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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/417

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de vêtement, ni de maison, ni de rien de semblable ; il était plus rapproché des anges ; prévoyait beaucoup de choses à venir et était rempli d’une grande sagesse Ce que Dieu faisait en cachette, en formant la femme, il en eut connaissance. Aussi dit-il : « Maintenant voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ». (Gen. 2,23) Puis est venu le travail, puis la sueur, ensuite la honte, la crainte, la timidité à parler ; car auparavant il n’y avait ni chagrin, ni douleur, ni gémissement. Mais il ne demeure pas longtemps dans cette situation honorable.
4. Que faire donc ? direz-vous. Dois-je périr à cause de lui ? Non précisément à cause de lui, car vous n’êtes pas non plus resté sans péché ; etsi vous n’avez pas commis le même, vous en avez certainement commis un autre. D’ailleurs, vous n’avez rien perdu au châtiment ; vous y avez gagné, agi contraire. Si vous eussiez dû rester toujours mortel, peut-être auriez-vous raison de dire ce que vous dites ; mais maintenant vous êtes immortel, et si vous le voulez, vous pouvez surpasser le soleil même en éclat. Si je n’avais pas eu un corps mortel, dites-vous, je n’aurais pas péché. Eh ! de grâce, Adam avait-il un corps mortel, quand il a péché ? Non : car si son corps eût été mortel, la mort ne lui eût pas été infligée par forme de punition. C’est ce qui prouve qu’un corps mortel n’est point un obstacle à la vertu, qu’il rend sage, au contraire, et procure les plus grands avantages. Si, en effet, l’attente seule de l’immortalité a inspiré un si grand orgueil à Adam, à quel point aurait-il porté l’arrogance, s’il eût été réellement immortel ? Maintenant, depuis la, chute, vous pouvez expier Nos péchés, puisque votre corps est vil, abject, sujet à la décomposition : car ces considérations sont propres à rendre sage mais si vous aviez péché dans un corps immortel, peut-être vos péchés eussent-ils duré davantage. N’accusez donc point la mortalité d’être la cause du péché ; c’est la mauvaise volonté qui est la racine de tous les maux. Pourquoi le corps d’Abel ne lui a-t-il porté aucun préjudice ? Pourquoi n’a-t-il servi de rien aux démons de n’avoir pas de corps ? Voulez-vous savoir comment un corps mortel n’est pas nuisible, mais est même utile ? Voyez ce que vous gagnez par lui si vous êtes sobre. Il vous retire du vice, il vous en arrache par les douleurs, les chagrins, les travaux et autres moyens semblables.
Mais, dites-vous, il m’entraîne à la fornication. Ce n’est pas lui, mais l’incontinence ; tandis que les choses que je vous indiquais tout à l’heure lui appartiennent en entier. Aussi n’est-il pas donné à l’homme qui entre dans cette vie de se soustraire à la maladie, à la douleur, à la tristesse ; mais il peut ne pas commettre la fornication. Si les vices étaient naturels au corps, ils seraient universels : car tout ce qui est naturel est universel. Or, la fornication ne l’est pas : elle provient de la volonté, tandis que la souffrance vient de la nature. N’accusez pas votre corps, ne vous laissez pas ravir par le démon l’honneur que Dieu vous a fait. Si nous le voulons, le corps sera un frein excellent pour contenir les mouvements de l’âme, réprimer l’orgueil, empêcher la jactance et nous aider dans des œuvres très importantes. Ne me parlez pas de certains fous furieux ; nous voyons souvent des chevaux secouer frein et cocher et se jeter dans les précipices ; nous ne nous en prenons pas au frein pour cela ; il a été jeté de côté ; ce n’est pas lui qui est cause du mal, mais le cocher qui n’a rien su retenir. Croyez qu’il en est de même ici : Si vous voyez un jeune orphelin commettre mille sottises, n’accusez pas son corps, mais le cocher, c’est-à-dire, la raison qui se laisse entraîner. Les rênes n’embarrassent pas le cocher, mais lui seul est coupable s’il ne sait pas les tenir convenablement ; aussi est-ce lui qu’elles accusent quand elles sont enchevêtrées, qu’elles l’entraînent à terre et le forcent à partager leur propre infortune.
De même en est-il ici : Tant que tu tenais les rênes, dit le frein, je dirigeais la bouche du cheval ; mais parce que tu as tout lâché, je te punis de ta négligence, je m’embarrasse et je t’entraîne, pour ne plus éprouver le même sort. Que personne ne s’en prenne donc aux rênes, mais à lui-même et à sa volonté corrompue. Car chez nous la raison est le cocher ; et le corps joue le rôle des rênes qui établissent le rapport entre les chevaux et le cocher. Si les rênes sont tenues régulièrement, remplissent bien leur fonction, vous n’éprouverez rien de fâcheux ; si vous les lâchez, tout disparaît, tout est perdu. Soyons donc sages, et n’accusons pas notre corps, mais notre mauvaise volonté. C’est là l’œuvre du démon d’exciter les insensés à accuser leur corps, Dieu, le prochain, tout plutôt que leur propre