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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/419

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qu’il a dit plus haut : « Le corps est pour le Seigneur ».
Ailleurs il en fait autant quand il dit : « Vous êtes le corps du Christ et les membres d’un membre ». (1Cor. 12,27) II emploie souvent cette comparaison, non pas toujours pour le même sujet, mais tantôt pour montrer l’amour, tantôt pour augmenter la crainte ici pour intimider et effrayer : « Enlèverai-je donc les membres du Christ, pour en faire des membres de prostituée ? À Dieu ne plaise ! » Rien de plus effrayant que cette parole. Il ne dit pas : Enlèverai-je donc les membres du Christ pour les unir à une prostituée ? mais : « En ferai-je les membres d’une prostituée ? » ce qui est plus énergique. Ensuite il fait voir ce qui arrive au fornicateur, en disant : « Ne savez-vous pas que celui qui s’unit à une prostituée devient un même corps avec elle ? » Et la preuve ? « Car », dit-il, «. ils seront deux en une seule chair. Mais celui qui s’attache au Seigneur est un seul esprit avec lui ». Le commerce charnel ne permet plus en effet d’être deux, mais de deux il ne fait qu’un. Et voyez comme il emploie ces mots propres et simples, en prenant pour termes de son accusation une prostituée et le Christ. « Fuyez la fornication ». Il ne dit pas : abstenez-vous de la fornication ; mais : « Fuyez », c’est-à-dire, empressez-vous de vous débarrasser, de ce vice. « Tout péché que l’homme commet est hors de son corps ; mais celui qui commet la fornication pèche contre son propre corps ». Ceci est moins fort. Mais comme il s’agit de la fornication, il la combat à outrance et en fait ressortir la gravité par le plus et par le moins. Le premier argument s’adressait aux plus pieux, le second est pour les plus faibles.
C’est le propre de la sagesse de Paul de faire rougir, non seulement par les motifs les plus puissants, mais encore par de plus petits, par la laideur, par l’indécence. Quoi donc ? Direz-vous : est-ce que le meurtrier ne souille pas sa main ? et aussi l’avare et le voleur ? Personne n’en doute ; mais comme on ne pouvait pas dire qu’il n’y a rien de pire que le fornicateur, il fait paraître d’une autre façon l’énormité de ce crime, en disant qu’il fait du corps entier un objet d’exécration. Il est souillé, en effet, comme s’il était tombé dans une cuve d’immondices, et plongé dans l’ordure. Et c’est ainsi que nous en jugeons encore aujourd’hui. En effet, personne de nous, après s’être rendu coupable d’avarice ou de vol, ne songe à aller au bain : on revient tout simplement chez soi ; tandis qu’après avoir péché avec une prostituée, on va se baigner comme si on était devenu tout à fait impur : tant la conscience sent que ce péché la souille davantage ! Sans doute l’avarice et la fornication sont des fautes graves et précipitent en enfer ; mais comme. Paul agit toujours avec prudence:, il emploie tous les moyens en son pouvoir pour faire ressortir le crime de la fornication. « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l’Esprit-Saint qui est en vous ? »
2. Il ne dit pas simplement de l’Esprit : mais « de l’Esprit qui est en vous », afin de consoler ; et pour s’expliquer encore, il ajoute « Que vous avez reçu de Dieu ». Il nomme l’auteur du don, pour relever son auditeur et en même temps l’effrayer par la grandeur du dépôt et la libéralité de celui qui l’a fait. « Et qu’ainsi vous n’êtes plus à vous-mêmes ». Il n’a pas seulement pour but de les faire rougir, mais aussi de les forcer à pratiquer la vertu. Quoi ! vous faites ce que vous voulez, dites-vous ; mais vous n’êtes pas votre maître. En parlant ainsi, il ne prétend pas nous ôter notre libre arbitre ; car après avoir dit : « Tout m’est permis, mais tout ne m’est pas avantageux », il ne nous enlève pas notre liberté ; et en écrivant ici : « Vous n’êtes plus à vous-mêmes », il n’entend point nuire à notre volonté, mais éloigner du vice et faire voir la providence du Maître. Aussi ajoute-t-il : « Car vous avez été achetés à haut prix ». Mais si je ne suis pas à moi, comment m’imposez-vous le devoir d’agir ? Comment dites-vous ensuite : « Glorifiez Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui sont à Dieu ? »
Que signifient donc ces paroles : « Vous n’êtes plus à vous-mêmes ? » Et que veut-il prouver par là ? Nous mettre en sécurité pour que nous ne péchions plus et ne nous livrions pas – aux passions désordonnées de notre âme. Nous avons en effet beaucoup de penchants déréglés qu’il faut réprimer ; et nous le pouvons, autrement il serait inutile de nous y exhorter. Voyez maintenant comme il nous affermit ! Après avoir dit : « Vous n’êtes pas à vous-mêmes », il n’ajoute pas : Mais vous êtes sous l’empire de la nécessité. Non, il dit : « Vous avez été achetés à haut prix ». Paul,