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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/421

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Seigneur est un seul esprit avec lui ». Il devient tout esprit à la fin, quoique enveloppé d’un corps. Quand il n’a rien de corporel, d’épais, de terrestre, son corps n’est qu’un simple vêtement ; quand toute l’autorité appartient à l’âme et à l’esprit, Dieu est alors glorifié. Aussi avons-nous l’ordre de dire dans la prière : « Que votre nom soit sanctifié » ; et le Christ nous dit : « Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Mt. 5,16) Ainsi le glorifient les cieux, non en parlant, mais en excitant l’admiration par leur aspect et en faisant remonter leur gloire au créateur.
Glorifions-le, nous aussi, comme eux et même plus qu’eux ; nous le pouvons, si nous le voulons. Car ni le ciel, ni le jour, ni la nuit ne glorifient Dieu comme une âme sainte. De même qu’à l’aspect de la beauté du ciel, on s’écrie : Gloire à vous, ô Dieu ! qui avez fait un si bel ouvrage ! Ainsi fait-on, et bien mieux encore, en voyant un homme vertueux. Car tout le monde ne glorifie pas Dieu dans ses créatures ; un grand nombre disent qu’elles se sont faites d’elles-mêmes ; d’autres, par une erreur tout à fait impardonnable, attribuent aux démons la création du monde et la providence ; mais à propos de la vertu de l’homme, personne n’ose porter jusque-là l’impudence chacun glorifie D : eu en voyant son serviteur vivre saintement. Et qui ne serait frappé d’étonnement, quand un homme qui n’a que la nature commune aux mortels, et qui vit au sein de l’humanité, résiste comme le métal le plus dur aux, assauts des passions ? Quant à travers le feu, le fer, les bêtes féroces, il se montre plus fort que l’acier et triomphe de tout par le langage de la piété ? bénit quand on le maudit ? répond par des paroles bienveillantes aux injures ? prie pour ceux qui lui font tort ? fait du bien à ses ennemis et à ceux qui lui tendent des embûches ? Oui, ces choses et d’autres de ce genre glorifient Dieu plus que les cieux. Car, en voyant le ciel, les Grecs ne rougirent pas ; mais à l’aspect d’un homme saint, pratiquant la sagesse dans sa perfection, ils sont couverts de Confusion et se condamnent eux-mêmes. En effet, quand un homme qui n’est point d’une autre nature qu’eux l’emporte sur eux autant, et plus même que le ciel ne l’emporte sur la terre, ils sont bien forcés de croire que c’est là l’effet de quelque puissance divine. Aussi le Christ dit-il : « Et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».
Voulez-vous savoir d’ailleurs comment Dieu est glorifié par la vie de ses serviteurs, et comment il l’est par ses prodiges ? Un jour Nabuchodonosor jeta les trois enfants dans la fournaise. Ensuite, voyant que le feu ne les consumait point, il dit : « Béni soit Dieu qui a envoyé son ange et sauvé ses enfants de la fournaise, parce qu’ils ont eu confiance en lui et n’ont point obéi à la parole du roi ». (Dan. 3,95) Que dites-vous, ô roi ? Vous avez été méprisé, et vous admirez ceux qui ont rejeté vos ordres ? Oui : je les admire par cela même qu’ils m’ont méprisé. Il donne la raison même du prodige. Ainsi Dieu est glorifié, non seulement par le miracle, mais par la résolution des trois enfants. Et si on veut y regarder de près, ce dernier point n’est pas au-dessous de l’autre. Au point de vue du prodige, délivrer ces jeunes gens, de la fournaise n’est pas plus que de les avoir décidés à y entrer. Comment, en effet, ne pas être frappé d’étonnement en voyant le roi du monde, environné de tant d’armes et d’armées, de généraux, de satrapes, de préfets, maître de la terre et de la mer, en le voyant, dis-je, méprisé par des enfants prisonniers ; en volant ces prisonniers vaincre celui qui les a mis aux fers et triompher de toutes ses troupes ? Car le roi et sa cour n’ont pu ce qu’ils voulaient, eux qui avaient toutes ces ressources, et de plus celle de la fournaise ; mais des enfants dénués de tout, esclaves, étrangers, en petit nombre (trois ! que peut-on de moins?) et enchaînés, ont vaincu une immense armée. Car déjà la mort était méprisée, parce que le Christ devait venir ; et comme, au lever du soleil, le jour brille avant que ses rayons aient paru, ainsi la mort reculait déjà à la seule approche du soleil de justice. Quoi de plus éclatant que ce spectacle ? quoi de plus glorieux que cette victoire ? quoi de plus insigne que ces trophées ?
4. Et cela se voit encore de nos jours. Il y a encore maintenant un roi de Babylone avec sa fournaise, et qui y allume un feu bien plus ardent ; il est encore là pour faire adorer sa statue ; autour de lui sont encore des satrapes, des soldats, une musique enchanteresse ; et beaucoup adorent cette image, aux aspects variés, de hauteur colossale. L’avarice est une statue de ce genre, ne dédaignant pas même