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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/422

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le fer, composée d’éléments dissemblables, obligeant à tout admirer, l’airain, le fer et des matières beaucoup plus viles encore. Mais si fout cela est, il y a aussi des imitateurs de ces enfants, qui disent : Nous ne servons pas les dieux, nous n’adorons pas ton image ; mais nous supportons la fournaise de la pauvreté et toutes les autres misères, pour les lois de Dieu. Ceux qui possèdent beaucoup, l’adorent souvent cette image, comme ces courtisans du roi, et ils sont dévorés par les flammes ; mais ceux qui n’ont rien, la méprisent, vivent dans la pauvreté et sont plus dans la rosée que ceux qui nagent au sein de l’abondance : absolument comme ceux qui avaient jeté les trois enfants dans la fournaise furent consumés, tandis que les enfants eux-mêmes étaient comme rafraîchis par la pluie et la rosée. Et le tyran lui-même souffrait plus qu’eux de la flamme : car la colère le brûlait intérieurement ; le feu ne put pas même atteindre l’extrémité de leurs cheveux ; tandis que son âme était dévorée par l’ardeur de son courroux. Songez un peu à ce que c’était que d’être méprisé devant tant de témoins par des enfants prisonniers. Il a fait voir, du reste, que s’il avait pris leur ville, ce n’était pas par sa vertu propre, mais à cause des péchés de ses habitants.
Si, en effet, il n’a pu vaincre trois enfants enchaînés et jetés dans une fournaise, comment serait-il venu à bout, par la loi de la guerre, de tant d’hommes, s’ils eussent tous été tels que ceux-ci ? Il est donc évident que ce sont les péchés du peuple qui ont livré la ville. Mais voyez comme ces jeunes gens sont étrangers à la vaine gloire ! Ils ne s’élancèrent point dans la fournaise, mais ils pratiquèrent d’avance l’ordre du Christ qui dit : « Priez afin que vous n’entriez point en tentation ». (Mt. 26,41) Ils ne se sauvèrent point quand on les y conduisit ; mais ils gardèrent courageusement le milieu ; ne s’empressant point quand on ne les appelait pas, ne montrant ni faiblesse ni lâcheté quand on les appelait, prêts à tout, intrépides et remplis de confiance. Et pour bien comprendre leur sagesse, écoutons ce qu’ils disent : « Il y a dans le ciel un Dieu qui peut nous délivrer ». (Dan. 3,17) Ils ne s’inquiètent point d’eux-mêmes ; au moment d’être brûlés, ils ne s’occupent que de la gloire de Dieu. Afin, disent-ils, que vous n’accusiez pas Dieu d’impuissance, quand nous serons consumés par le feu, nous vous ex primons nettement toute notre croyance : « Il y a un Dieu dans le ciel », non un Dieu semblable à cette statue terrestre, inanimée et muette, mais un Dieu qui peut nous tirer du milieu de cette fournaise ardente. Ne l’accusez donc pas de faiblesse, s’il nous y laisse jeter. Il est si puissant qu’il peut nous sauver de la flamme, même quand nous y serons : « Et s’il ne le fait pas, sachez néanmoins, ô roi ; que nous ne servons pas vos dieux et que nous n’adorerons pas la statue d’or que vous avez fait dresser ». (Dan. 3,18) Vous voyez que, par un dessein providentiel, ils ignorent l’avenir. S’ils l’avaient connu, leur action serait moins admirable ; quoi d’étonnant, en effet, à ce qu’ils eussent audacieusement affronté le danger s’ils avaient eu un gage certain de leur salut ?
Sans doute Dieu eût été également glorifié, puisqu’il aurait pu les sauver de la fournaise : mais ils eussent été moins dignes d’admiration, puisque au fait ils ne se seraient pas précipités, dans le danger. Dieu leur a donc laissé ignorer l’avenir, pour les glorifier davantage. Et comme ils assuraient au roi que Dieu ne devait pas être accusé d’impuissance, quand même le feu les consumerait ; ainsi Dieu a tout à la fois montré sa puissance et mieux fait briller leur courage. Et pourquoi, dites-vous, ce doute de leur part, cette incertitude de leur délivrance ? Parce qu’ils se croyaient trop peu de chose, trop indignes d’un si grand bienfait. Et la preuve que ce n’est pas ici une simple conjecture, ce sont les plaintes qu’ils font entendre dans la fournaise, quand ils disent : « Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité ; il ne nous est pas permis d’ouvrir la bouche ». (Dan. 3,29) Voilà pourquoi ils ont d’abord dit : « Et s’il ne le fait pas ». Ne soyez pas surpris qu’ils ne disent pas clairement : Dieu peut nous sauver, et s’il ne nous sauve pas, c’est à cause de nos péchés ; car alors ils auraient eu l’air, aux yeux de barbares, de voiler l’impuissance de Dieu sous le prétexte de leurs propres péchés. Ne parlant donc que de soin pouvoir, ils n’ont rien dit de la cause. Ils étaient d’ailleurs parfaitement habitués à ne point scruter témérairement les jugements de Dieu. Après avoir prononcé ces paroles ; ils sont entrés dans le feu, sans injurier le roi, sans renverser sa statue.