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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/424

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avantageux à l’homme de ne toucher aucune femme ». C’est-à-dire : Si vous cherchez le bien, l’excellent, il est meilleur de n’avoir aucun commerce avec une femme ; si vous cherchez la sécurité et un appui à votre faiblesse, usez du mariage. Mais comme probablement, alors ainsi qu’aujourd’hui, l’un des époux voulait et l’autre ne voulait pas, voyez comme il parle de l’un et de l’autre. Quelques-uns prétendent qu’il s’adresse ici aux prêtres ; pour moi, d’après ce qui suit, je ne le pense pas : car il n’eût point donné son avis d’une manière aussi générale. S’il se fût agi seulement des prêtres, il aurait dit : Il est avantageux au ministre de la parole de ne toucher aucune femme ; mais son expression est générale : « Il est avantageux à l’homme » et non pas seulement au prêtre ; et encore : « N’êtes-vous point lié à une femme ? Ne cherchez point de femme ». Il ne dit pas : Vous prêtre et docteur, mais il parle d’une manière indéfinie, et ainsi dans toute la suite du discours.
Et quand il dit : « Mais à cause de la fornication que chaque homme ait sa femme », par la nature même de cette concession il exhorte à la continence. « Que le mari rende à la femme ce qu’il lui doit, et pareillement la femme à son mari ». Or, quel est ce bonheur dû ? La femme n’est pas maîtresse de son propre corps, mais elle est la servante et la maîtresse de son époux. En vous soustrayant au service convenable, vous offensez Dieu ; si vous voulez vous abstenir de concert avec votre mari, que ce soit pour peu de temps. Aussi appelle-t-il cela une dette, pour montrer qu’aucun des deux n’est maître de lui-même, mais que l’un est le serviteur de l’autre. Quand donc une prostituée vous tente, dites-lui : Mon corps n’est pas à moi, mais à ma femme. Que la femme en dise autant à ceux qui voudraient attenter à sa chasteté : Mon corps n’est pas à moi, mais à mon époux. Que si l’homme et la femme ne sont pas maîtres de leur corps, encore moins le sont-ils de leur fortune. Écoutez, vous qui avez des femmes, et vous qui avez des maris. Si l’on ne peut pas avoir son corps en propre, encore moins peut-on avoir ses biens. Ailleurs, sans doute, une grande prérogative est accordée au mari, dans le Nouveau et dans l’Ancien Testaments. Dans celui-ci on lit : « Tu te tourneras vers ton mari ; c’est lui qui te dominera ». (Gen. 3,16) Et Paul, établissant une distinction, écrit : « Maris, aimez vos femmes…, mais que la femme craigne son mari ». (Eph. 5,25, 33) Mais ici il ne distingue pas le plus ou le moins : le droit est le même. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de la chasteté. Que partout ailleurs, dit-il, l’homme ait l’avantage ; mais en fait de continence, non. « L’homme n’a pas puissance sur son « corps, ni la femme non plus ». L’égalité est complète ; point de prérogative.
« Ne vous refusez point l’un à l’autre ce devoir, si ce n’est de concert ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la femme ne se contienne pas, malgré son époux ; ni l’époux, malgré sa femme. Pourquoi cela ? Parce que de grands maux naissent de cette continence : souvent les adultères, les fornications ; les troubles domestiques en sont les suites. Si en effet il est des hommes qui commettent la fornication quoiqu’ils aient leurs femmes, à plus forte raison la commettront-ils si vous les privez de cette consolation. C’est avec raison qu’il dit : « Ne vous fraudez point », employant ici le mot fraude comme plus haut le mot dette, pour mieux constituer le droit. En effet, se contenir malgré son conjoint, c’est commettre une fraude ; mais non plus, s’il y consent. Vous ne me volez pas, si je consens à ce que vous pm niez un objet qui m’appartient. Mais prendre par force à quelqu’un qui n’y consent pas, c’est voler : et c’est ce que font beaucoup de femmes, qui blessent ainsi gravement la justice, deviennent responsables des désordres de leurs maris et mettent tout sens dessus dessous. Or il faut placer la bonne harmonie avant tout, parce que c’est en effet un bien préférable à tous les autres. Entrons, si vous le voulez, dans la nature même des choses. Supposez un homme et une femme, et la femme se contenant malgré son mari. Qu’arrivera-t-il, si celui-ci se livre à la fornication, ou tout au moins s’afflige, se trouble, éprouve l’ardeur de la concupiscence, soulève des querelles et cause mille ennuis à sa femme, que gagne-t-elle au jeûne et à la continence, si le lien de la charité est brisé ? Rien. Que d’injures, que de débats, que de guerres s’ensuivront nécessairement !
2. Car quand le mari et la femme sont en désaccord chez eux, la maison ressemble tout à fait à un vaisseau battu par la tempête, on le pilote et le timonier ne s’entendent pas.