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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/427

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mais il laisse là question de l’avenir incertaine et comme suspendue, en disant : « Que savez-vous, ô femme, si vous sauverez votre mari ? Et que savez-vous, ô homme, si vous sauverez votre femme ? » Et encore : « Seulement que chacun marche comme Dieu le lui a départi et selon que Dieu l’a appelé. Un circoncis a-t-il été appelé ? qu’il ne se donne point pour incirconcis. Un circoncis a-t-il été appelé ? qu’il ne se fasse point, circoncire. La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien, mais l’observation des commandements de Dieu est tout. Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé. Avez-vous été appelé « étant esclave ? Ne vous en inquiétez pas ». Tout cela n’a point de rapport avec la foi ; point de discussions donc, point de troubles ; la foi a tout fait disparaître. « Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé ». Vous aviez une femme infidèle quand vous avez été appelé ? Demeurez avec elle ; que la foi ne soit point un motif pour la renvoyer. Vous étiez esclave quand vous avez été appelé ? Ne vous en inquiétez pas, restez esclave. Vous étiez incirconcis quand vous avez été appelé ? Restez incirconcis. Vous étiez circoncis quand vous avez cru ? Restez circoncis. C’est-à-dire : « Que chacun marche comme Dieu le lui a départi ». Rien de tout cela n’est un obstacle à la religion. Vous avez été appelé étant esclave ; un autre, ayant une femme infidèle ; un troisième ; étant circoncis.
44. O ciel ! Où va-t-il placer l’esclavage ? Comme la circoncision ne sert à rien et que l’incirconcision ne nuit pas, ainsi en est-il de l’esclavage et de la liberté. Et pour le prouver plus clairement, il ajoute : « Et même si vous pouvez devenir libre, profitez-en plutôt » ; c’est-à-dire, restez plutôt esclave. Et pourquoi engage-t-il celui qui peut devenir libre à rester esclave ? Pour montrer que l’esclavage est plutôt utile que nuisible. Je sais que quelques-uns pensent que ces mots : « Profitez-en plutôt » doivent s’entendre de la liberté ; ce qui voudrait dire : Si vous le pouvez, devenez libre. Mais cette interprétation serait tout à fait contraire au but que Paul se propose. En effet, il ne conseillerait point à l’esclave de se procurer la liberté, au moment où il le console et affirme que l’esclavage ne lui est nullement désavantageux. Car alors on pourrait peut-être dire : mais enfin, si je ne puis devenir libre, je subis donc une injure et un dommage ?
Ce n’est donc point là sa pensée ; mais, comme je l’ai expliqué plus haut, voulant montrer que la liberté ne serait d’aucun profit, il dit : quand vous pourriez devenir libre, restez plutôt esclave. Et il en donne aussitôt la raison : « Car celui qui a été appelé au Seigneur quand il était esclave, devient affranchi du Seigneur ; de même celui qui a été appelé étant libre, devient esclave du Christ ». En ce qui regarde le Christ, dit-il, les deux sont égaux : vous êtes également l’esclave du Christ, le Christ est égaiement votre maître. Comment donc l’esclave est-il affranchi ? Parce que le Christ vous a délivré non seulement du péché, mais encore de la servitude extérieure, bien que vous restiez esclave. Car il ne permet pas que l’esclave, ni que l’homme demeurant dans la servitude, soit esclave : et c’est là la merveille. Mais comment un esclave est-il libre, tout en restant esclave ? Quand il est délivré des passions et des maladies spirituelles, quand il méprise les richesses, qu’il est au-dessus de la colère et des autres mouvements de l’âme. « Vous avez été achetés chèrement ; ne vous faites point esclaves des hommes ». Ces paroles ne s’adressent pas seulement aux serviteurs, mais aussi aux hommes libres. Car l’esclave peut être libre ; et l’homme libre, esclave. Et comment – an esclave peut-il être libre ? Quand il fait tout pour Dieu, quand il agit sans dissimulation et non pour plaire aux hommes : alors tout en servant les hommes, il est libre. Et comment, d’autre part, l’homme libre peut-il être esclave ? quand il remplit un rôle coupable parmi les hommes, ou par gourmandise, ou par l’ambition des richesses, ou par l’abus de la puissance. En ce cas, bien que libre, il est le plus esclave des hommes.
Considérez ces deux faits : Joseph était esclave, mais non esclave des hommes : c’est pourquoi il était le plus libre des hommes, même au sein de l’esclavage. Ainsi il ne cède point au désir de la femme de son maître, qui coulait le plier au gré de sa passion. Elle, au contraire, quoique libre, était esclave entre tous les esclaves, elle qui flattait son serviteur et le provoquait au mal ; mais elle ne put décider l’homme libre à faire ce qu’elle voulait. L’esclavage de Joseph n’était donc point un esclavage, mais la plus haute liberté ; car en quoi a-t-il gêné sa vertu ? Écoutez, esclaves et