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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/428

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hommes libres : lequel était l’esclave de celui qui était sollicité, ou de celle qui sollicitait ? de celle qui suppliait, ou de celui qui méprisait ses supplications ? Car Dieu a fixé des bornes aux esclaves : les lois déterminent le point jusqu’où ils peuvent aller et qu’ils ne doivent point dépasser. Tant que le maître n’exige rien qui déplaise à Dieu, il faut l’écouter et lui obéir ; mais non, s’il demande rien au-delà ; c’est ainsi que l’esclave devient libre. Et si vous allez vous-même au-delà, fussiez-vous libre, vous devenez esclave. C’est à quoi Paul fait allusion, quand il dit : « Ne vous faites point esclaves des hommes ». S’il en était autrement, s’il conseillait aux esclaves de quitter leurs maîtres et de s’efforcer de devenir libres, comment aurait-il donné cet avis : « Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé ? » Et ailleurs : « Que tous les serviteurs qui sont sous le joug estiment leurs maîtres dignes de tout honneur, et que ceux qui ont des maîtres fidèles ne les méprisent point, parce que ce sont des frères qui participent au même bienfait ». (1Tim. 6,1-2) Écrivant aux Éphésiens et aux Colossiens il donne encore les mêmes règles et les mêmes lois. D’où il suit clairement qu’il ne combat point ce genre d’esclavage, mais celui que les hommes libres contractent par le vice et qui est le plus fâcheux, même quand celui qui le subit est libre. À quoi en effet a servi aux frères de Joseph d’être libres ? N’étaient-ils pas les plus esclaves des hommes, quand ils mentaient à leur père, faisaient aux marchands de faux récits ainsi qu’à leur frère ? Mais bien autre était Joseph, homme véritablement libre, véridique partout et en tout, que rien n’a pu assujettir, ni les fers, ni l’esclavage, ni l’amour de sa maîtresse, ni l’exil, mais qui est demeuré libre partout. Car c’est là la vraie liberté, celle qui éclate même dans l’esclavage.
5. Voilà le christianisme : il donne la liberté dans la servitude. Et comme un corps naturellement invulnérable se montre tel quand il reçoit un trait sans en souffrir, ainsi celui qui est vraiment libre, le démontre surtout quand ses maîtres ne peuvent le rendre esclave. Voilà pourquoi Paul engage à rester esclave. S’il n’était pas possible d’être esclave et vrai chrétien, les gentils pourraient accuser la religion d’une grande faiblesse ; mais s’ils savent que l’esclavage ne lui est point un obstacle, ils admireront la doctrine. Car si la mort, la flagellation, les chaînes ne nous font point de mal, beaucoup moins l’esclavage, le feu, le fer, tous les genres de tyrannie, les maladies, la pauvreté, les animaux sauvages et mille autres tourments plus graves encore peuvent-ils nuire aux fidèles ; ils n’ont fait que les rendre plus puissants. Et comment l’esclavage pourrait-il nuire ? Ce n’est pas l’esclavage même qui nuit, cher auditeur, mais celui du péché qui est le seul véritable. Si vous ne subissez pus celui-là, ayez confiance et réjouissez-vous ; personne ne pourra vous nuire dès que votre âme est libre ; mais si vous êtes esclaves du péché, eussiez-vous toute liberté d’ailleurs, la liberté ne vous sert à rien. Que sert, en effet, dites-moi, dé n’être pas esclave d’un homme et de l’être de ses passions ? Souvent les hommes usent encore de ménagement, mais les passions sont insatiables de ruine. Vous êtes l’esclave d’un homme ? Mais votre propre maître est votre serviteur ; lui qui pourvoit à votre nourriture, qui soigne votre santé, qui a le souci de votre habillement, de vos chaussures et de tant d’autres choses. Vous avez moins peur de l’offenser que lui de vous laisser manquer du nécessaire.
Mais il est couché, et vous êtes debout. – Qu’importe ? On peut faire cette observation pour vous comme pour lui. Souvent quand vous êtes couché et livré à un doux sommeil, il est non seulement debout, mais en proie à mille désagréments sur la place publique, et veille d’une manière bien plus pénible que vous. Quoi donc ! Joseph a-t-il autant souffert de la part de sa maîtresse, que celle-ci par l’effet de sa passion ? Joseph n’a point fait ce que voulait cette femme ; et elle-même a fait tout ce que voulait la passion, sa maîtresse ; et la passion ne s’est arrêtée qu’après l’avoir couverte de honte. Quel maître est aussi exigeant ? Quel tyran est aussi cruel ? Prie ton esclave, dit la passion, supplie ton prisonnier, flatte l’homme que tu as acheté ; s’il refuse, insiste ; si malgré tes sollicitations réitérées il ne cède point, observe le moment où il sera seul, et use de violence, et rends-toi ridicule. Quoi de plus déshonorant, quoi de plus, honteux que ce langage ? Mais si tu ne viens pas à bout de ton dessein, recours à la calomnie et trompe ton époux. Voyez comme ces ordres sont indignes d’une âme libre, honteux, inhumains, cruels et insensés ! Quel maître exige jamais ce que