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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/429

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la passion impure a exigé de cette princesse ? Et pourtant elle n’eut pas le courage de résister à sa voix. Joseph n’a rien subi de pareil : il a tenu une conduite toute contraire qui l’a comblé de gloire et d’honneur. Voulez-vous encore voir un autre homme, à qui une cruelle maîtresse adonné des ordres qu’il n’a pas osé repousser ?
Rappelez-vous Caïn et les ordres que lui a donnés la jalousie. Elle lui a commandé de tuer son frère, de mentir à Dieu, d’affliger son père, d’être impudent ; et il a tout exécuté de point en point. Pourquoi vous étonnez-vous que cette maîtresse ait tant d’empire sur un seul homme, elle qui a souvent perdu des peuples entiers ? Les femmes madianites ont pour ainsi dire emmené les Juifs enchaînés et prisonniers en les captivant tous par l’attrait de leurs charmes. C’était ce genre d’esclavage que Paul repoussait quand il disait : « Ne vous faites point esclaves des hommes » ; c’est-à-dire N’obéissez point aux hommes quand ils vous donnent des ordres injustes, pas même à vous. Ensuite élevant son esprit jusqu’à un point sublime, il dit : « Quant aux vierges, je n’ai point reçu de commandement du Seigneur ; mais je donnerai un conseil comme ayant obtenu de la miséricorde du Seigneur d’être fidèle ». Procédant avec ordre, il parle ensuite de la virginité. Après les avoir entretenus et instruits sur la continence, il passe maintenant à ce qui est plus parfait. « Je n’ai pas de commandement », dit-il ; mais je pense que c’est une bonne chose. Pourquoi ? Pour la même raison qu’il a donnée à propos de la continence. « Êtes-vous lié à une femme ? Ne cherchez pas à vous délier ». Ceci ne contredit point ce qu’il a d’abord dit, mais le confirme parfaitement. En effet, plus haut il disait : « Si ce n’est d’un commun accord » ; ici il dit : « Êtes-vous lié à une femme ? Ne cherchez pas à vous délier ». Il n’y a point là de contradiction : car quand on agit contre sa volonté, le lien se brise ; quand on agit de concert, le lien subsiste.
6. Ensuite, pour qu’on ne croie pas que c’est là une loi, il ajoute : « Cependant, si vous prenez une femme, vous ne péchez pas ». Puis il accuse l’état des choses, la nécessité présente, la brièveté du temps, l’affliction. Car le mariage entraîne bien des suites qu’il indique comme il l’a déjà fait en parlant de la continence, quand il disait que la femme n’a pas de puissance sur son corps, et ici quand il dit : « Êtes-vous lié… Cependant si vous prenez une femme, vous ne péchez pas ». Ceci ne s’applique point à celle qui a choisi la virginité, car celle-là pécherait. En effet, si les veuves sont incriminées pour avoir contracté un second mariage quand elles ont promis de rester veuves, à plus forte raison blâmera-t-on les vierges. « Toutefois ces personnes auront les tribulations de la chair ». – Et aussi ses plaisirs, dites-vous. – Mais voyez comme l’apôtre les restreint par la brièveté du temps, en disant : « Le temps est court » ; c’est-à-dire, nous avons ordre de passer comme des voyageurs et de sortir ensuite ; mais vous vous agitez dans l’intérieur. Quand même le mariage n’aurait rien de pénible, il faudrait encore hâter sa marche vers l’avenir ; mais quand il entraîne des suites fâcheuses, à quoi bon se charger du fardeau ? Pourquoi s’imposer une telle charge, puisqu’une fois que vous l’avez prise, il faut en user comme n’en usant pas ? En effet, l’apôtre nous dit : « Il faut que ceux mêmes qui ont des femmes soient comme n’en ayant pas ». Après avoir ainsi dit un mot de l’avenir, il revient au temps présent. Car il y a des intérêts spirituels : l’une s’occupe du service de son époux, l’autre du service de Dieu ; mais il y a aussi les intérêts de la vie présente : « Je voudrais que vous fussiez exempts de soucis ». Pourtant il laisse cela à leur liberté. Car celui qui, après avoir montré ce qu’il faut choisir, impose le choix, semble n’avoir pas confiance en ses propres paroles. C’est pourquoi il use surtout de condescendance pour les déterminer et les maintenir : « Or je vous parle ainsi pour votre avantage, non pour vous tendre un piège ; mais parce que c’est une chose bienséante et qui donne la facilité de prier ». Que les vierges entendent bien : ce n’est pas à cela que se borne la virginité ; celle qui s’occupe du monde n’est ni vierge, ni honnête. Après avoir dit : « La femme mariée et la vierge sont partagées », il établit la différence, le point qui les sépare l’une de l’autre. Pour limite entre la vierge et celle qui ne l’est plus, il ne donne pas le mariage, ni la continence, mais l’exemption de soucis et de grands soucis. Car ce n’est pas l’acte du mariage qui est un mal, mais l’obstacle à la sagesse. «