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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/431

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ceux-ci à ces mets qui leur étaient présentés, mais qu’ils les regardaient comme offerts aux idoles : ce qui était le chemin de l’idolâtrie) ; et ceux mêmes qui étaient plus parfaits n’en souffraient pas médiocrement, puisqu’ils assistaient à des repas diaboliques. Tel était le crime. Or le bienheureux, pour porter remède au mal, né débute point par des termes violents, car c’était plutôt un acte de folie qu’un acte de malice. C’est pourquoi il n’est pas besoin d’abord de vifs reproches et d’indignation, mais plutôt d’exhortation. Remarquez donc la prudence avec laquelle il procède : « Quant à ce qu’on offre en sacrifice aux idoles, nous savons que nous avons tous la science ». Laissant de côté les faibles, suivant son constant usage, il s’adresse en premier lieu aux forts. C’est ce qu’il a déjà fait dans son épître aux Romains : « Mais vous qui jugez votre frère ». (Rom. 11,10). Le fort, en effet, est plus capable de porter un reproche.
Il agit de même ici : il commence par crever leur orgueil en leur faisant voir que cette parfaite connaissance, qu’ils regardaient comme leur privilège propre, était chose vulgaire : « Nous savons que tous ont la connaissance ». Si, les laissant dans leur orgueil, il eût d’abord montré que cette connaissance était nuisible aux autres, il eût fait plus de mal que de bien. En effet, quand l’âme ambitieuse se croit parée de quelque chose, cette chose fût-elle nuisible aux autres, elle s’y attache de toutes ses forces, parce qu’elle est tyrannisée par la vaine gloire. Voilà pourquoi Paul examine d’abord l’objet en lui-même, comme il l’a fait plus haut à propos de la sagesse profane qu’il a complètement détruite. Mais là il avait raison : car cette sagesse est absolument mauvaise et la détruire était facile ; aussi a-t-il prouvé qu’elle était non seulement inutile, mais opposée à la prédication. Ici il ne pouvait agir de même : car il est question de science, et de science parfaite. Il n’était donc pas sans danger de la rejeter, et cependant on ne pouvait autrement réprimer l’orgueil qu’elle inspirait. Que fait-il alors ? D’abord en montrant qu’elle est vulgaire, il comprime l’enflure de ceux qui s’en glorifiaient. En effet, on s’enorgueillit d’une chose grande et belle quand on la possède seul ; mais quand on s’aperçoit qu’elle appartient à tout le monde, on n’éprouve plus le même sentiment. Donc en premier lieu il établit que ce qu’ils croyaient posséder seuls était un bien commun à tous ; puis, cela posé, il ne prétend pas être le seul qui en jouisse avec eux : il eût encore par là flatté leur orgueil. Car si on est fier de posséder seul un avantage, on ne l’est pas moins de le partager avec un ou deux hommes placés au-dessus du vulgaire. Il ne parle donc pas de lui, mais de tous ; il ne dit pas : Et moi aussi j’ai la science, mais : « Nous savons que tous ont connaissance ».
De cette première manière il abat d’abord leur orgueil, et plus vivement encore, de la seconde. Laquelle ? En montrant que cette connaissance non seulement n’est pas parfaite, mais est très imparfaite ; et non seulement imparfaite, mais nuisible, si on ne lui adjoint quelque autre chose. En effet, après avoir dit : « Que tous ont connaissance », il ajoute : « La science enfle, mais la charité « édifie ». Ainsi la science, sans la charité, porte à l’orgueil. – Mais, direz-vous, la charité aussi sans la science est inutile. – L’apôtre ne le dit pas ; mais laissant cela comme une chose convenue, il fait voir que la science a très grand besoin de la charité. En effet, celui qui aime, accomplissant le plus important des commandements, manquât-il de quelque autre chose, obtiendra bientôt la science par la charité, comme Corneille et beaucoup d’autres ; tandis que celui qui a la science sans la charité, non seulement ne fera pas de progrès, mais la perdra même souvent, en tombant dans l’orgueil. En sorte que la science n’engendre pas la charité, mais en sépare plutôt, si l’on n’y prend garde, en produisant l’enflure et l’orgueil. Car la jactance a coutume de diviser, et la charité d’unir et de mener à la science. C’est ce que l’apôtre exprime par ces mots : « Mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de lui ». Il veut donc dire : Je ne m’oppose pas à ce qu’on ait la science parfaite, mais je veux qu’elle soit jointe à la charité ; autrement elle sera inutile, et même nuisible.
2. Voyez-vous comme il prélude déjà à ce qu’il va dire de la charité ? Comme tous les maux des Corinthiens provenaient, non de la science parfaite, mais de ce qu’ils n’avaient pas assez de charité ni de ménagement les uns pour les autres, ce qui produisait les divisions, l’orgueil et toutes les fautes qu’il leur a reprochées et celles qu’il leur reprochera