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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/44

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raison du bien que nous avons fait », a une grande portée : Pierre les accuse par là de ne faire que des accusations de ce genre, et de ne se plaindre que du bien que l’on fait aux hommes. Il leur rappelle aussi ce qui s’est passé, et qu’ils sont toujours prêts à répandre le sang, et le sang des bienfaiteurs de l’humanité. Admirez encore une fois la force et la gravité de ce langage ! Les apôtres s’aguerrissaient et devenaient intrépides. Saint Pierre montre aux Juifs qu’ils prêchent eux-mêmes Jésus-Christ malgré eux, qu’ils ne font que mettre en évidence la doctrine nouvelle en la discutant et l’examinant. – « Que vous avez crucifié ». Quelle franchise ! «. Que Dieu a « ressuscité d’entre les morts ». Ceci témoigne encore d’une plus grande liberté. C’est comme s’il disait : Ne croyez pas que nous cachions ce que vous tenez vous autres pour ignominieux ; nous sommes si éloignés de le dissimuler, que nous le publions hautement. C’est presqu’une attaque ouverte, et il ne dit pas cela simplement, mais il insiste sur la même pensée en disant : « C’est lui qui est la pierre que vous avez rejetée, et que vous n’avez pas voulu admettre dans votre édifice ». Puis, pour montrer qu’ils n’ont fait que travailler malgré eux à sa gloire, il ajoute : « Il est devenu la pierre principale de l’angle ». Vous avez donc réprouvé, ô Juifs, celui qui était honorable et bon par nature. C’est ainsi qu’ils parlaient, tant le miracle qu’ils avaient opéré leur donnait de confiance. Remarquez comment, lorsqu’il s’agit d’enseigner, ils citent de nombreuses prophéties, et lorsqu’il ne faut que faire preuve d’assurance, ils se contentent d’affirmer leur sentiment : « Car nul autre nom sous le ciel n’a été donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés ; aux hommes », parce que ce nom a été donné à tous, et non pas aux seuls Juifs. L’apôtre prend ses adversaires eux-mêmes à témoin. Ceux-ci demandaient : « Au nom de qui avez-vous agi ? » Au nom du Christ, répond Pierre. « Il n’y a pas d’autre nom que celui-là en qui nous puissions être sauvés ». La chose est d’elle-même évidente, pourquoi donc m’interrogez-vous ? Ces paroles sont d’une âme qui méprise la vie présente. Cette liberté de langage le montre assez. Ici il fait clairement voir que, lorsqu’il s’exprimait humblement au sujet du Christ, c’était par condescendance et non par crainte qu’il le faisait.
Maintenant que le moment était venu, il en parlait avec une sublimité qui frappait d’étonnement tous les auditeurs. Voici un signe non moindre que le premier : « Ils les reconnaissaient pour les avoir vus avec Jésus ». L’écrivain sacré n’a pas tracé ces mots au hasard. C’était pour rappeler en quelle circonstance les Juifs avaient vu les apôtres, c’est-à-dire pendant la passion. Pierre et Jean étaient seuls avec Jésus alors, et c’est là que les pharisiens les virent si humbles et si tremblants. Aussi un changement si complet leur paraissait étrange. C’était toujours le même tribunal ayant Anne et Caïphe pour chefs. Ils étaient donc stupéfaits de retrouver maintenant si intrépides des hommes qu’ils avaient vus naguère si timides. Ce n’était pas seulement par leur langage que ceux-ci montraient qu’ils se souciaient fort peu d’une affaire où il y allait pour eux de la peine capitale, mais encore par leur attitude, par leur voix et par leurs regards ; en un mot, la résolution où ils étaient de parler, de ce qu’ils savaient, éclatait dans toute leur personne aux yeux du peuple. Les Juifs s’étonnaient aussi parce que c’étaient des hommes sans lettres et du commun. Comme on peut être sans lettres et n’être cependant pas du commun, et réciproquement, il met les deux termes, parce que les deux choses étaient vraies pour les apôtres : « Sachant », dit le texte, « que c’étaient des hommes sans lettres ». Comment le savaient-ils ? Par leur manière de s’énoncer. Les apôtres ne font pas de longs discours ; ils disent simplement et sans artifice ce qu’ils veulent dire, mais avec un accent qui prouve leur résolution courageuse. Peut-être les eussent-ils maltraités, si l’homme guéri par eux n’eût été là. « Ils les reconnaissaient pour les avoir vus avec Jésus » ; circonstance qui leur faisait voir qu’ils tenaient de lui ce qu’ils disaient, et qu’ils agissaient en qualité de ses disciples. D’ailleurs le miracle récent parlait encore plus haut qu’eux, et c’était lui surtout qui fermait la bouche aux Juifs : « Jugez s’il est juste en présence de Dieu de vous obéir plutôt qu’à « Dieu ». Maintenant qu’ils n’ont plus rien à craindre (les menacer équivalait à les absoudre), leur langage s’adoucit, tant ils étaient loin de l’audace qui provoque. Ils ont fait un miracle qui est connu de tout le monde, « nous ne pouvons le nier ». De sorte qu’ils l’auraient nié, s’il en eût été autrement, si le témoignage de la multitude n’eût été là.