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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/440

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veulent prouver que je ne suis point apôtre à tous ceux-là je donne pour preuve et pour justification l’instruction que vous avez reçue et les choses que je vais dire. Et quelles sont ces choses ? « N’avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire ? N’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme sœur ? » Et comment est-ce là une apologie ? Parce que quand on me voit m’abstenir de choses permises, il n’est pas juste de me soupçonner d’être un imposteur ou de travailler pour le lucre. Donc ce que j’ai dit plus haut, et l’instruction que vous avez reçue, et ce que je viens de dire tout à l’heure, suffisent à me justifier à vos yeux ; voilà mon point d’appui contre ceux qui m’interrogent ; je leur dis cela et ceci encore : « N’avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire ? N’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme sœur ? » Et quoique j’en aie le pouvoir, je m’en abstiens. Quoi donc ! Ne mangeait-il pas ? Ne buvait-il pas ? Souvent certes il ne mangeait ni ne buvait ; car il dit : « Nous étions dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité ». (2Cor. 11,27) Ici pourtant il ne le dit pas. Mais que dit-il ? Ce que nous mangeons et ce que nous buvons, nous ne le recevons pas de nos disciples, bien que nous en ayons le pouvoir. « N’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme sœur, comme les autres apôtres et les frères du Seigneur et Céphas ? »
Voyez sa sagesse ! il place en dernier lieu le coryphée, le chef fort entre tous les chefs. II était en effet moins étonnant de voir faire cela aux autres, qu’au premier de tous, à celui à qui ont été confiées les clefs du royaume des cieux. Du reste il ne le cite pas seul, mais tous les autres avec lui, comme pour dire : Cherchez en haut, cherchez en bas, vous trouverez que tous en donnent l’exemple. Car les frères du Seigneur, une fois délivrés de leur incrédulité, avaient pris rang parmi les plus illustres, quoiqu’ils ne fussent point parvenus au rang des apôtres. Aussi les place-t-il au milieu, entre les deux extrêmes. « Ou moi seul et Barnabé n’avons-nous pas le pouvoir de le faire ? » Voyez son humilité ! Voyez comme son âme est exempte de jalousie ! Comme il ne passe point sous silence celui qu’il savait partager son zèle ! Sien effet tout le reste nous est commun, pourquoi non ceci encore ? Comme eux nous sommes apôtres, nous sommes libres, nous avons vu le Christ, nous avons donné des preuves d’apostolat. Nous avons donc aussi le pouvoir de vivre dans le repos, et d’être nourris par les disciples. « Qui jamais fait la guerre à ses frais ? » Après avoir donné, par-la conduite des apôtres, la plus forte preuve qu’il lui est permis d’agir ainsi, il en vint aux exemples, à l’usage commun, comme il a l’habitude de le faire. « Qui jamais fait la guerre à ses frais ? » Considérez comme les exemples qu’il choisit sont bien en rapport avec son sujet ; comme il cite d’abord une carrière pleine de périls, la milice, les armes, la guerre. Car voilà ce qu’est l’apostolat et bien plus que cela encore. En effet, ils n’avaient pas seulement à combattre contre les hommes, mais contre les démons et le prince des démons. Son sens est donc : Ce que les rois du monde, bien que cruels et injustes, n’exigent pas, à savoir, que leurs soldats fassent la guerre, courent les dangers et néanmoins subsistent à leurs frais : comment le Christ l’exigerait-il ? Et il ne se borne pas à un seul exemple. Car l’esprit le plus simple et le plus épais est particulièrement satisfait quand il voit la coutume générale s’accorder avec les lois de Dieu.
3. Il passe donc à une autre comparaison et dit : « Qui plante une vigne et ne mange pas de son fruit ? » Ici il désigne les dangers, les travaux, les misères de toute sorte, les sollicitudes. Il ajoute un troisième exemple, en disant : « Qui paît un troupeau et ne mange point du lait du troupeau ? » Il indique le soin extrême que met un maître à instruire ses disciples. Et en effet les apôtres étaient soldats, laboureurs et pasteurs, non laboureurs de terre, ni pasteurs d’animaux, ni soldats se battant contre des ennemis sensibles ; mais pasteurs d’âmes raisonnables et soldats luttant contre les démons. Observons encore quelle mesure il garde en toute chose : se bornant à ce qui est utile et laissant le superflu. Il ne dit pas en effet : Qui fait la guerre et ne s’enrichit pas ? mais : « Qui jamais fait la guerre à ses frais ? » Il ne dit pas : Qui plante une vigne et n’en recueille pas de l’or ou n’en mange pas tout le fruit ? mais : « Et ne mange pas de son fruit ? » Il ne dit pas : Qui paît un troupeau et n’en vend pas les agneaux ? mais que dit-il ? « Et ne mange point de son lait ? » Non pas de ses agneaux, mais de son lait : pour montrer que le maître doit se contenter d’une