Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or s’il en est ainsi là où un seul obtient une couronne, à plus forte raison cela doit-il être là où la récompense est plus abondante. Car on n’en couronne pas rien qu’un, et les récompenses sont bien au-dessus des travaux. Aussi les fait-il rougir en disant : « Eux, pour recevoir une couronne corruptible ; nous, une incorruptible. Pour moi je cours aussi, mais non comme au hasard ». Après les avoir fait rougir par des exemples pris au-dehors, il se met lui-même en scène, ce qui est la meilleure manière d’instruire. Aussi le fait-il partout. Que signifient ces mots : « Non au hasard ? » c’est-à-dire, en fixant l’œil sur un but, et non, comme vous, inutilement et sans but. Car à quoi vous sert d’entrer dans les temples des idoles, et de vous vanter de votre perfection ? À rien. Ce n’est pas ainsi que j’agis ; mais tout ce que je fais, je le fais pour le salut du prochain ; si je fais preuve de perfection, c’est pour lui ; si je condescends, c’est pour lui encore ; si je vais plus loin que Pierre en ne recevant rien, c’est pour qu’il ne se scandalise pas ; si je condescends plus que tous les autres, jusqu’à me faire circoncire et à me raser, c’est pour ne pas lui devenir une pierre d’achoppement. Voilà ce que veut dire : « Non au hasard ». Mais vous, dites-moi, pourquoi mangez-vous dans les temples d’idoles ? Vous n’en pouvez donner aucun motif raisonnable. Car ce ne sont point les aliments qui nous recommandent à Dieu : si vous mangez, vous n’avez rien de plus ; si vous ne mangez pas, vous n’avez rien de moins. Vous courez donc sans but et sans réflexion, et c’est ce que veut dire : « Au hasard. Je combats, mais non comme frappant l’air ».

Ceci fait encore allusion à ces mots au hasard et en vain, et veut dire : j’ai quelqu’un sur qui frapper, le diable ; mais vous, vous ne le frappez pas, vous épuisez inutilement vos forces. En attendant il parle comme étant chargé d’eux. Après les avoir précédemment traités avec une grande rudesse, il se modère de nouveau et réserve le grand coup pour la fin de son discours. Ici, en effet, il leur reproche d’agir au hasard et inconsidérément ; mais plus bas il leur démontre qu’ils jouent leur propre tête, et que, outre le tort qu’ils font au prochain, ils ne sont pas innocents dans leur témérité. « Mais je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même « réprouvé ». Ici il leur fait voir qu’ils sont esclaves de la gourmandise, qu’ils lui lâchent la bride, et que, sous prétexte de perfection, ils satisfont leur goût pour la table ; ce qu’il avait peine à leur insinuer plus haut, quand il disait : « Les aliments sont pour l’estomac, et « l’estomac pour les aliments ». Car, comme la bonne chère amène la fornication et que l’idolâtrie en est le fruit, il a raison d’attaquer souvent cette maladie. En exposant ce qu’il a souffert pour l’Évangile, il le fait aussi entrer en ligne de compte. Car, dit-il, comme j’ai dépassé les commandements, ce qui n’était pas chose facile (« Nous supportons tout », a-t-il dit plus haut) ; de même il m’en coûte beaucoup pour vivre dans la tempérance. Quoique la gourmandise soit un tyran difficile à vaincre, cependant je la bride, je ne me livre point à elle et je supporte tout pour ne pas me laisser entraîner.

2. Mais ne pensez pas que j’y réussisse sans peine. C’est une course, c’est un combat multiple, c’est une tyrannie sans cesse renaissante et demandant sa liberté ; mais je ne la subis point ; je la comprime, au contraire, et je la dompte avec beaucoup de peine. Il dit ceci pour que personne ne se décourage de lutter en faveur de la vertu, à cause des difficultés de la lutte ; c’est ce qui lui fait dire « Je châtie » et : « Je réduis en servitude ». Il ne dit pas : Je tue, ni : Je punis ; car la chair n’est point ennemie ; mais : « Je châtie » et « Je réduis en servitude » : ce qui est le langage d’un maître, et non d’un ennemi ; d’un précepteur, et non d’un homme qui hait ; d’un instituteur, et non d’un adversaire. « De peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé ». Or si Paul a craint, après avoir instruit tant de monde ; s’il a craint, après avoir prêché, mené la vie d’un ange, et dominé l’univers ; que dirons-nous ? Ne pensez pas, leur dit-il, qu’il vous suffise de croire pour être sauvés. Car si la prédication, l’instruction, la conversion d’une multitude d’hommes ne suffisent pas à me sauver, à moins que je ne me montre irréprochable, beaucoup moins pouvez-vous l’espérer. Puis il passe à d’autres exemples ; comme il a parlé plus haut des apôtres, de l’usage commun, des prêtres, de lui-même, il parle ici des combats olympiques, puis de sa personne encore, et revient aux histoires de l’Ancien Testament. Mais comme son langage doit être plus sévère,