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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/464

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Qu’arrive-t-il donc ? « C’est la communion du corps du Seigneur ». Ce n’est pas à l’autel, c’est au Christ lui-même que nous participons. Après avoir dit : « Ne prennent-ils pas ainsi part à l’autel ? » il ne veut pas avoir l’air de dire que ces idoles aient un pouvoir quelconque, et soient capables de nuire. Voyez comme il fait justice de cette pensée, en ajoutant. « Est-ce donc que je veuille dire que ce qui a été immolé aux idoles, ait quelque vertu, ou que l’idole soit quelque chose (19) ? »
3. Voici ma pensée, dit l’apôtre : je ne veux que vous en détourner ; je ne dis pas que les idoles puissent nuire en quelque chose, qu’elles aient une vertu, quelle qu’elle soit. Les idoles ne sont rien. Mais je veux que vous les preniez en mépris. Mais, me dira-t-on, si vous voulez que nous les prenions en mépris, pourquoi vous montrez-vous si jaloux de nous détourner des viandes qui leur sont offertes ? C’est qu’on ne les offre pas à votre Dieu. « Ce que les païens immolent », dit l’apôtre, « ils l’immolent au démon, et non pas à Dieu (20) ». Gardez-vous donc de courir chez vos ennemis. Si vous étiez le fils d’un roi, admis à la table de votre père, vous ne l’abandonneriez pas, pour la table des condamnés, de ceux qui sont aux fers dans les prisons ; votre père ne le souffrirait pas ; au contraire, il emploierait la violence pour vous en détourner, non que cette table pût vous nuire, mais parce qu’elle serait indigne, et de votre noblesse et de la table royale. En effet, ceux dont je parle, sont aussi des esclaves, des criminels, des infâmes, des condamnés dans les fers, réservés à un supplice insupportable, à des maux sans nombre. Comment donc ne rougissez-vous pas de ces honteux excès, de ces êtres serviles ? quand des condamnés dressent leurs tables, comment osez-vous y courir, et prendre votre part de leurs festins ? Si je vous en éloigne, c’est que le but des sacrificateurs, c’est que la qualité des gens qui vous reçoivent, souille les mets qu’ils vous présentent. « Je désire que vous n’ayez aucune société avec les démons ». Comprenez-vous la tendresse inquiète d’un père ? Comprenez-vous l’affection qu’exprime si éloquemment sa parole ? Je ne veux pas, dit-il, que vous ayez rien de commun avec eux.
Ensuite, comme il n’a fait jusque-là qu’exhorter, les esprits épais auraient pu se croire en droit de mépriser ses paroles ; voilà pourquoi, après avoir dit. « Je ne veux pas » ; après avoir dit : « Vous, soyez juges » ; il émet une décision, il formule la loi : « Vous ne pouvez pas boire le calice du Seigneur, et le calice des démons. Vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur, et à la table des démons (21) ». Ces seuls noms lui suffisent pour les détourner ; par ce qui suit, il veut leur faire honte : « Est-ce que nous voulons irriter Dieu, en le piquant de jalousie ? Sommes-nous plus forts que lui (22) ? » C’est-à-dire, prétendons-nous essayer si Dieu est assez fort pour nous punir ; voulons-nous l’irriter, en passant du côté contraire, en nous mettant dans les rangs de ses ennemis ? Ces paroles rappellent une ancienne histoire, le péché des anciens parents. Voilà pourquoi il se sert de la parole que Moïse fit entendre autrefois contre les Juifs, quand il les accusait d’idolâtrie, et qu’il faisait ainsi parler Dieu : « Ils m’ont piqué de jalousie », dit le texte, « en adorant ceux qui n’étaient point Dieu, et ils m’ont irrité par leurs idoles ». (Deut. 32,21) Sommes-nous plus forts que lui ? Comprenez-vous ce qu’il y a de terrible, de fait pour épouvanter, dans cette réprimande ? Il les fait tressaillir en les réduisant ainsi à l’absurde ; il les secoue fortement, et il rabaisse leur orgueil. Et pourquoi, me dira-t-on, n’a-t-il pas tout d’abord énoncé les idées qui étaient les plus capables de les écarter des idoles ? C’est que son habitude est d’avoir recours à plusieurs preuves, de réserver les plus fortes pour les dernières, et d’emporter la conviction parla surabondance de ses moyens. Voilà pourquoi il commence par les malheurs moindres, il arrive ensuite à ce qu’il y a de plus funeste. Ajoutez à cela qu’en commençant par les paroles moins sévères, il prépare les esprits à recevoir le reste. « Tout m’est permis, mais tout n’est pas avantageux ; tout m’est permis, mais tout n’édifie pas (23). Que personne ne cherche sa propre satisfaction, mais le bien des autres (24) ».
Comprenez-vous ce qu’il y a là de sagesse achevée ? Il était à croire que plus d’un se disait : Je suis du nombre des parfaits, je suis à moi, je suis maître de mes actions, et je ne me fais aucun tort en goûtant des mets qui me sont servis. Oui, répond l’apôtre, vous êtes parfait, je le veux, vous êtes maître de vous, j’en suis d’accord. Mais ce n’est pas là ce que vous devez considérer ; considérez plutôt si ce