Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

considération qu’elles n’ont aucun pouvoir, ne participez pas étourdiment au festin, car ce sont des tables d’ennemis, des tables déshonorées. Voilà pourquoi l’apôtre disait : « N’en mangez pas à cause de celui qui vous a donné cet avis, et aussi de peur de blesser la conscience. Car la terre est au Seigneur, avec tout ce qu’elle contient ». Voyez-vous de quelle manière, soit qu’il conseille de manger, soit qu’il conseille de s’abstenir, il apporte le même témoignage. Si je vous fais la défense, dit-il, ce n’est pas que ces mets proviennent d’une cause étrangère, car la terre est au Seigneur ; mais c’est pour le motif que je vous disais, pour la conscience, c’est-à-dire, pour éviter le scandale ; mais alors il faut donc s’enquérir avec inquiétude ? Nullement, dit-il, car je ne dis pas : « Votre conscience », mais « sa conscience » ; en effet, j’ai commencé par vous dire : « À cause de celui qui vous a donné cet avis », et encore : « Et aussi de peur de blesser, je ne dis pas votre conscience, mais celle d’un autre (29) ».
Mais peut-être, dira-t-on, vous avez raison de vous occuper de nos frères, de ne, pas nous permettre de goûter de ces mets à cause de nos frères ; il ne faut pas que leur conscience peu affermie soit portée à manger une viande offerte aux idoles ; mais, s’il s’agit d’un gentil, d’un païen, quel souci en prenez-vous ? N’est-ce pas vous qui, disiez : « Car pourquoi entreprendrai-je de juger ceux qui sont hors de l’Église ? » (1Cor. 5,12) Donc pourquoi vous occupez-vous encore des païens ? Je ne m’occupe pas des païens, dit l’apôtre, mais, dans cette circonstance, c’est de vous que je m’inquiète ; voilà pourquoi il ajoute : « Car pourquoi m’exposerai-je à faire condamner, par la conscience d’un autre, cette liberté que j’ai de manger de tout ? » Ce qu’il faut entendre par liberté, ici, c’est l’absence de prescriptions et de défenses : c’est en cela, en effet, que consiste la liberté, affranchie de la servitude des Juifs. Or, voici ce qu’il veut dire : Dieu m’a fait libre et supérieur à toutes souillures de ce genre. Mais les païens ne savent ni discerner la sagesse qui me guide, ni reconnaître la libéralité de mon Dieu. Un païen me condamnera, et dira en lui-même : la religion des chrétiens n’est qu’une fable ; ils s’éloignent des idoles ; ils fuient les démons, et ils s’attachent aux offrandes consacrées aux démons. La gourmandise les domine. – Et encore, dira quelqu’un, que nous fait ce jugement ? Quel mal nous en revient-il ? – Combien il vaudrait mieux ne pas fournir l’occasion d’un pareil jugement ! Si vous vous abstenez, il n’aura rien à dire. Comment, me répondrez-vous, n’aura-t-il rien à dire ? Comment ! Il me verra n’examinant rien, ni à la boucherie, ni dans un festin, recevoir tout indifféremment, et il ne trouvera rien à redire ? et il ne me condamnera pas pour prendre ainsi ma part indifféremment à tous les mets ? Nullement. Et en effet, vous ne mangez pas ces viandes parce qu’elles sont offertes aux idoles, mais parce que vous les croyez pures. Et maintenant, ce que vous gagnez à ne pas vous enquérir curieusement d’où cela vient, c’est de montrer que vous n’avez pas peur de ce que l’on vous sert. Voilà pourquoi, soit que vous entriez chez un païen, soit que vous vous rendiez au marché, je ne vous permets pas d’aller aux renseignements, de redouter les on dit, de vous embarrasser, de vous tourmenter, de vous créer des affaires superflues. « Si je prends avec actions de grâces ce que je mange, pourquoi parle-t-on mal de moi, pour une chose dont je rends grâces à Dieu (30) ? » Que prenez-vous avec actions de grâces ? votre part des présents de Dieu ; sa grâce est si puissante qu’il garde mon âme sans souillure, exempte de toute espèce de tache. De même que le soleil, dardant ses rayons sur mille objets souillés, les retire aussi purs qu’auparavant, de même nous, à bien plus forte raison, demeurons-nous purs au milieu du monde, si telle est notre volonté, et, par là même, nous augmentons notre force.
2. Pourquoi donc, me dit-on, vous abstenez-vous ? Ce n’est pas de crainte de me souiller, loin de moi cette pensée ; c’est à cause de mon frère, c’est pour ne pas entrer dans la société des démons ; c’est pour n’être pas jugé par l’infidèle, car ce n’est pas la nature des mets qui peut me perdre, mais la désobéissance ; l’amitié avec les démons, voilà ce qui me rend impur, voilà d’où me vient la souillure. Mais maintenant que signifie cette parole : « Pourquoi parle-t-on mal de moi, pour une chose dont je rends grâces à Dieu ? » Je rends grâces à Dieu, dit-il, d’avoir élevé mon âme ; de m’avoir mis au-dessus de la bassesse des Juifs, à tel point que rien ne me nuise. Mais les païens, ignorant la sagesse qui me guide,