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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/483

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l’appeler une bête sauvage, ressemble an meurtrier d’un père ou d’une mère ; car si la loi nous dit d’abandonner, pour notre femme, et notre père et notre mère, sans faire injure à nos parents, mais en accomplissant la loi divine, tellement chère à ses parents mêmes, que ceux qu’on abandonne, consentent à être abandonnés, trouvent dans cet abandon l’accomplissement de leur vif désir ; qui ne voit que c’est être en démence que de faire affront à la femme, pour qui Dieu nous a ordonné d’abandonner nos parents ? En démence, est-ce assez dire ? Qui pourrait supporter ce déshonneur et cette ignominie ? Quel discours pourrait l’exprimer ? Ce sont des hurlements, des gémissements qui retentissent dans les carrefours ; et c’est un concours de tout le peuple, dans la maison de l’homme qui se conduit d’une manière si honteuse ; et voisins et passants s’y précipitent, comme si une bête féroce abîmait tout, détruisait tout dans l’intérieur. Mieux vaudrait pour ce furieux d’être englouti dans (les entrailles de) la terre, que de se représenter ensuite en public. Mais la femme est acariâtre, dira-t-on ; mais réfléchissez donc que c’est une femme, quelque chose de fragile, et que vous êtes un homme. Et si vous avez été établi pour être son chef, si vous êtes, comme sa tête, c’est afin de supporter la faiblesse de celle qui vous doit l’obéissance ; faites donc en sorte que votre empire soit glorieux, et, pour qu’il soit glorieux, il ne faut pas que vous déshonoriez celle à qui vous commandez. Et de même que le roi a d’autant plus de gloire qu’il revêt de plus de gloire celui qui commande sous lui ; si, au contraire ; il déshonore, s’il flétrit l’homme puissant, il diminue également sa propre gloire de souverain ; de même vous, en déshonorant celle qui commande après vous, vous portez une atteinte non légère à l’honneur de votre principauté. Donc, pénétrés de toutes ces vérités, conduisez-vous avec tempérance, et joignez à ces pensées le souvenir de ce beau soir où le père vous a fait venir, vous a confié sa fille comme un dépôt, la séparant de tout le reste, et de sa mère, et de lui-même et de toute la famille, pour vous la remettre à vous seul, quand votre main a touché sa main ; pensez qu’après Dieu, c’est elle qui vous adonné des enfants, qui vous a rendu père ; soyez donc, par ces raisons, plein de douceur pour elle.
8. Une fois que la terre a reçu les semences, ne voyez-vous pas la culture variée dont l’embellissent les gens de la campagne, quelque difficultés que cette terre leur oppose, quelle que soit son aridité, quoiqu’elle produise de mauvaises plantes ; quoiqu’elle soit dans une position à être inondée par les pluies ? Faites de même : impossible autrement de récolter les fruits ni d’avoir la tranquillité. Une femme, c’est un port ; c’est le remède souverain qui procure la joie. Abritez-le donc, votre port, contre les vents, contre les flots, et vous aurez la paix en revenant du dehors ; si, au contraire, vous y versez les troubles et l’agitation, vous ne faites que vous préparer un lugubre naufrage. Il ne faut pas qu’il en soit ainsi ; faites ce que je vous dis : s’il arrive quelque chose de fâcheux, dans la maison, par la faute de votre femme, consolez-la, n’augmentez pas les chagrins. Car eussiez-vous tout perdu, rien de plus triste que de n’avoir pas une femme qui vive en paix avec vous : et quoi que vous ayez à lui reprocher, rien de plus affligeant que de disputer avec elle. Donc, pour toutes ces raisons, conservez l’amour pour elle comme votre bien le plus précieux. Si nous devons nous supporter mutuellement, à bien plus forte raison, faut-il supporter une épouse ; si elle est pauvre, ne lui reprochez pas sa pauvreté ; si elle a peu d’esprit, ne l’insultez pas ; faites mieux, gouvernez-la ; c’est votre membre, et vous n’êtes tous deux qu’une seule et même chair. Mais c’est une femme bavarde, et adonnée au vin, et qui se met en colère. Eh bien, soyez triste, mais pas d’emportement ; il faut prier Dieu, avertir cette femme, la redresser par vos conseils, et tout faire pour extirper ses vices. Mais la battre, mais la meurtrir, ce n’est pas soigner sa maladie ; la brutalité se corrige par la douceur, non par une autre brutalité. Considérez aussi la récompense que Dieu vous réserve. Quand vous pourriez l’exterminer, cette femme, n’en faites rien, craignez Dieu, supportez tant et tant de défauts, redoutez la loi qui défend de chasser une femme ; quel que soit le mal qui la travaille, c’est une ineffable récompense que vous recevrez, et, avant ces récompenses, vous y gagnerez les biens les plus enviables ici-bas, vous l’aurez rendue plus soumise, et vous serez devenu plus clément pour elle.
On rapporte d’un philosophe païen qu’il avait une méchante femme, et bavarde, et adonnée au vin ; on lui demandait comment