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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/488

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s’écrie : « N’avez-vous pas vos maisons pour y manger et pour y boire, ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui sont pauvres (22) ? » Voyez-vous comme il passe de l’affront fait aux pauvres à l’insulte envers l’Église, pour donner à son discours plus de force encore ? Voilà donc une quatrième accusation ; ce n’est pas le pauvre seulement, c’est aussi l’Église qui est outragée. De même que tu fais de la cène du Seigneur ta chose à toi, de même tu t’adjuges le lieu, et tu te sers de l’Église comme ta maison à toi. L’église a été faite ; non pour diviser ceux qui s’y rassemblent, mais pour unir ensemble ceux qui sont divisés, et c’est ce que signifie ce mot d’assemblée : « Et voulez-vous faire honte à ceux qui sont pauvres ? » L’apôtre ne dit pas : et vous faites mourir de faim ceux qui sont pauvres ; il prend une expression plus capable d’inspirer de la honte : « Voulez-vous faire honte ? » comme s’il disait : Voulez-vous faire rougir ? Il montre que ce n’est pas tant la nourriture qui l’occupe, que l’affront infligé aux pauvres. Cinquième accusation : non seulement ils méprisent ceux qui ont faim, mais, de plus, ils les font rougir. Et ce discours avait pour but, en même temps, d’honorer les pauvres, et de montrer qu’ils ne souffrent pas autant de la faim que de l’insulte qui leur était faite ; et en même temps, l’apôtre voulait attirer ses auditeurs à la compassion. Donc, après avoir montré tous ces désordres insulte à la cène, insulte à l’Église, mépris des pauvres, il adoucit la violence de sa réprimande, il dit : « Vous en louerai-je ? Non, je ne vous en loue pas ». On s’étonnera qu’au moment où la réprimande devait avoir le plus d’impétuosité, après tant de désordres qu’il vient de flétrir, l’apôtre prenne justement un ton plus doux, et donne à ceux qui l’écoutent, le temps de respirer. Pourquoi ? C’est que l’accusation avait été développée d’une manière sévère. C’est un excellent médecin, il a fait une incision proportionnée aux blessures ; quand il a fallu pénétrer profondément, il ne s’est pas contenté de couper à la surface ; (vous savez bien comme il a retranché le fornicateur qui demeurait chez ces Corinthiens) ; mais, en même temps, quand il faut de doux remèdes, il n’a pas recours au fer. Voilà donc pourquoi il adoucit maintenant son langage ; il s’efforçait d’ailleurs de les rendre plus doux envers les pauvres ; voilà pourquoi il leur adresse des paroles moins vives. Et ensuite, comme il veut les toucher plus fortement par des raisonnements d’un autre genre, il reprend des pensées plus imposantes : « Car c’est du Seigneur », dit-il, « que j’ai appris ce que je vous ai aussi enseigné, à savoir que le Seigneur Jésus, la nuit même où il devait être livré, prit du pain, et, ayant rendu grâces, le rompit et dit : Prenez et mangez ; ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi (23, 24) ». Pourquoi ce rappel des saints mystères ? C’est que c’était un argument décisif, dans le sujet qu’il traite. Le Seigneur ton Dieu, dit-il, a daigné admettre tous les hommes sans exception à cette table d’une sainteté terrible, à cette table si auguste ; et toi, tu regardes les hommes comme indignes de la tienne, d’une table vile et misérable ? Quoique ces pauvres ne reçoivent, dans les biens spirituels, rien de plus que toi, tu les dépouilles des biens sensibles, tu leur prends ce qui ne t’appartient pas ? L’apôtre toutefois ne s’exprime pas ainsi, son discours eût été trop dur ; il l’adoucit en disant. « Que le Seigneur Jésus, la nuit même où il devait être livré, prit du pain ». Et pourquoi rappeler la circonstance, cette soirée, cette trahison ? Ce n’est pas sans dessein, sans raison ; il veut les toucher profondément, en leur rappelant le temps. Serait-on de pierre, quand on pense à cette nuit, à cette tristesse du Christ au milieu de ses disciples, à la manière dont il fut livré, dont il fut lié, dont il fut enchaîné, dont il fut jugé, dont il supporta tout ce qui suivit, l’âme s’attendrit plus que la cire, on ne pense plus à la terre, aux pompes, à toutes les images du monde. Voilà pourquoi l’apôtre nous rappelle et l’heure, et la table, et la trahison ; c’est pour nous confondre ; il dit à chacun de nous : Le Seigneur ton Dieu s’est livré lui-même, dans ton intérêt, et tu ne donnes pas à ton frère l’aliment que tu dois partager avec lui, dans ton propre intérêt ?
4. Mais maintenant, pourquoi dit-il que c’est du Seigneur qu’il a appris ; car il n’était pas alors du côté du Christ, il était du nombre des persécuteurs ? c’est pour vous apprendre que cette première cène n’avait rien qui ne se soit trouvé dans celles qui ont suivi. Aujourd’hui encore, c’est le Seigneur qui fait tout, qui se livre à nous, comme au premier soir ; et ce n’est pas seulement pour cette raison que