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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/489

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l’apôtre rappelle cette nuit auguste ; il veut encore nous toucher jusqu’au fond du cœur d’une autre manière ; de même que les paroles dont nous gardons le plus le souvenir, sont celles qui sortent les dernières de la bouche des mourants, et de même que, si leurs héritiers osaient enfreindre leurs ordres, nous leur dirions pour les confondre : pensez que telle a été la dernière parole de votre père ; que, jusqu’au jour où il devait rendre l’âme, voilà les recommandations qu’il a faites ; de même Paul, voulant donner à son discours une gravité redoutable : Souvenez-vous, dit-il, que l’institution de ce mystère est la dernière chose qu’il a faite, que, dans cette nuit même où il devait être immolé pour vous, voilà les préceptes qu’il vous a transmis, et qu’après nous avoir laissé cette cène, il n’y a plus rien ajouté.
L’apôtre raconte ensuite les faits qui se sont passés : « Il prit du pain, et, ayant rendu grâces, le rompit et dit : Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ». Donc, si vous approchez de l’Eucharistie, ne faites rien d’indigne de l’Eucharistie ; ne faites pas honte à votre frère, ne négligez pas celui qui a faim, ne vous enivrez pas, n’outragez pas l’Église. Vous vous approchez pour rendre grâces pour les biens que vous avez reçus, sachez donc payer Dieu de retour, et ne vous séparez pas violemment du prochain, car le Christ a fait à tous un partage égal, en disant : « Prenez et mangez » ; il a donné son corps également à tous, et vous, vous ne donnez pas même le pain également à tous. Le Christ a rompu son corps, pour tous, de la même manière, et il a pris un corps pour tous également. – « Il prit de même le calice, après avoir soupé, en disant : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; toutes les fois que vous le boirez, faites ceci en mémoire de moi (25) ». Que dites-vous ? Vous faites la commémoration du Christ, et vous méprisez les pauvres, et vous ne tremblez pas ? Mais, je suppose que, votre fils ou votre frère étant mort, vous en célébriez la mémoire ; votre conscience serait déchirée si vous n’accomplissiez pas les devoirs ordinaires, si vous n’appeliez pas les pauvres. Et vous faites la mémoire de votre Seigneur, sans même partager votre table avec eux ? Et maintenant que signifient ces mots : « Ce calice est la nouvelle alliance ? » C’est que, dans l’Ancien Testament, il y avait un calice, on faisait des libations avec le sang des animaux qu’on sacrifiait ; on recevait le sang dans un vase et l’on faisait les libations. Le Christ, substituant au sang des animaux son propre sang, prévient le trouble dans les pensées de ceux qui l’écoutent, en rappelant l’ancien sacrifice.
L’apôtre, après avoir parlé de cette cène mémorable, rapproche les mystères actuels des mystères qui furent célébrés alors, afin que les fidèles éprouvent les mêmes sentiments que s’ils assistaient à la cène de cette soirée célèbre, et qu’ils se figurent être assis à la table de Jésus-Christ, et recevoir de sa propre main ces saints mystères : « Car toutes les fois que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne (26) ». Car, de même que le Christ disait, en donnant le pain et le calice : « Faites ceci en mémoire de moi », nous découvrant la cause du mystère ; et, entre autres choses, nous montrant que rien que cette cause suffisait pour fonder notre piété ; car la pensée de ce que votre Seigneur a souffert pour vous, augmentera votre sagesse ; de même Paul, de son côté, vous dit : Toutes les fois que vous mangerez, vous annoncerez sa mort. Voilà en effet ce qui constitue cette cène. Ensuite, pour montrer qu’elle se perpétuera jusqu’à la consommation des siècles, il dit : « Jusqu’à ce qu’il vienne. « C’est pourquoi, quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur (27) ». Pourquoi ? Parce qu’il a répandu ce sang divin par un meurtre, non par un sacrifice. De même que ceux qui autrefois le percèrent de leurs coups, ne le percèrent pas pour boire son sang, mais seulement pour le répandre ; ainsi fait celui qui en approche d’une manière indigne, et il n’en retire aucun fruit. Voyez-vous comme l’apôtre a rendu son discours terrible ; comme il frappe sur les coupables ; comme il leur montre qu’en buvant ce sang avec les dispositions qu’ils apportent, ils sont indignes de prendre leur part des mystères ? Et comment ne serait-ce pas une indignité de mépriser celui qui a faim, d’ajouter à ce mépris la confusion dont on l’accable ? Si le refus de donner aux pauvres est une raison qui vous fait déchoir du royaume des cieux, alors même qu’on aurait le mérite de la virginité ; bien plus, si l’on perd cette royauté, parce que l’on ne donne pas