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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/490

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largement ; car vous savez bien que ces vierges avaient de l’huile, mais elles n’en avaient pas en abondance ; considérez – l’excès du malheur qui résulte de si grands désordres.
5. Quels désordres ? direz-vous. – Quoi, mon frère, en doutez-vous ? Voilà la table à laquelle vous avez été admis ; vous devriez montrer une douceur parfaite, égaler les anges, et vous êtes devenu un monstre de cruauté. Vous avez goûté le sang du Seigneur, et ; dans ces circonstances, vous ne reconnaissez pas votre frère ? Eh ! quel pardon pouvez-vous mériter ? Je suppose qu’auparavant vous ne le connaissiez pas ; du moment que vous vous êtes approché de cette table, vous deviez le reconnaître, tandis que vous faites tout le contraire. Cette table même, vous la déshonorez ; celui qui a été jugé digne de s’y asseoir avec vous, vous ne le jugez pas digne, vous, de partager votre nourriture. N’avez-vous pas appris le traitement subi par l’homme qui exigeait ses cent deniers ? Avez-vous oublié comment il a rendu inutile le présent qui lui avait été fait ? Ne savez-vous plus qui vous étiez, et ce que vous êtes devenu ? Avez-vous oublié que vous-même vous étiez plus pauvre que ce pauvre d’argent, vous qui étiez dans l’indigence des bonnes œuvres, riche de tant et tant de péchés ? Eh bien ! en dépit de tout, Dieu vous a affranchi entièrement de ces péchés, il vous a jugé digne de cette table auguste, et vous-même, après cela, vous ne vous êtes pas attendri ? Que pouvez-vous espérer encore, que d’être livré aux bourreaux ? Ces paroles, nous les entendrons tous, tous tant que nous sommes, qui nous approchons avec les pauvres de cette table sainte. Sortis de ce sacré banquet, nous ne paraissons pas avoir eu même un regard pour eux ; nous sommes ivres, et nous passons sans voir ceux qui ont faim. C’est ce qu’il reprochait alors aux Corinthiens. Et quand donc, me direz-vous, arrivent ces désordres ? Toujours, et surtout dans les fêtes, où ils devraient le moins se montrer. Car alors, vite après la communion, c’est l’ivresse et le mépris des pauvres. Et quand vous avez reçu le sang sacré, quand c’est l’heure du jeûne et de la tempérance, c’est alors que vous vous livrez au vin et aux excès de la gourmandise. S’il vous arrive, dans un repas, de manger d’un mets délicat, vous avez bien soin de n’en pas perdre le goût, en mangeant d’un mets grossier. Mais, quand vous avez reçu la nourriture spirituelle, vous vous livrez aux délices de Satan.
Considérez ce que firent les apôtres, au sortir de la cène sacrée. Ne s’appliquèrent-ils pas à la prière, au chant des hymnes, aux saintes veilles, aux longs enseignements d’une doctrine pleine de sagesse ? car c’était l’heure où le Sauveur leur exposait sa merveilleuse doctrine, leur communiquait ses admirables préceptes, après le départ de Judas, quand ce traître s’en alla avertir ceux qui devaient le traîner à la croix. Ne savez-vous pas comment ces trois mille hommes qui avaient été admis à la communion persévéraient dans la prière, dans 1a méditation de la doctrine, au lieu de se livrer à l’ivresse et à la gourmandise ? Pour toi, avant la table sainte, tu jeûnes, pour paraître, tant bien que mal, digne de la communion ; mais, au sortir de la table, quand tu devrais être plus tempérant encore, tu perds tout. Certes, ce n’est pas la même chose de jeûner avant et de jeûner après. La tempérance convient dans ces deux moments, mais surtout après que tu as reçu l’époux. Tu jeûnais avant, pour être digne de le recevoir ; il faut jeûner après, pour ne pas paraître indigne de l’avoir reçu. Par exemple l Il faut que je jeûne après l’avoir reçu ? Je ne dis pas cela, ni ne vous en fais une obligation. Sans doute ce serait un bien, mais je ne vous fais pas violence ; seulement je vous exhorte à ne pas vous gorger de délices, au-delà de toute mesure. S’il ne convient jamais de rechercher les délices de la vie, ce que Paul a déclaré par ces paroles : « Car pour celle qui vit dans les délices, quoique vivante, elle est morte ». (1Tim. 5,6) ; à bien plus forte raison, les délices, dans cette circonstance, c’est la mort. Si c’est la mort, pour une femme, à bien plus forte raison, pour un homme ; si, dans toute autre circonstance, c’est votre perte, à bien plus forte raison, après la participation aux mystères. Comment ? tu as reçu le pain de vie, tu fais ce qui donne la mort, et tu ne frissonnes pas ? Ignores-tu quels maux innombrables produit la vie passée dans les délices ? le rire intempestif, les paroles désordonnées, les bouffonneries mortelles à l’âme, le bavardage funeste, et tout ce que l’on n’ose même pas rappeler ? Et cela, tu le fais après avoir joui de la table du Christ, le jour même où tu as été jugé digne de toucher, de ta langue, ses chairs sacrées ? Ah ! qui que tu sois, ne