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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/493

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là, ce que dit l’apôtre : « Que chacun s’éprouve soi-même, avant d’approcher ». Et le précepte qu’il donne, ce n’est pas que l’un éprouve l’autre, mais que chacun s’éprouve soi-même. Il s’agit d’un jugement non public ; d’un examen sans témoin. « Car quiconque en mange et en boit indignement, mange et boit le jugement du Seigneur (29) ».
Que dites-vous, je vous en prie ? Cette table, cause de tant de biens, et qui nous verse la vie, devient elle-même notre jugement ? Ce n’est pas, dit l’apôtre, en vertu de sa nature propre, mais de la volonté de celui qui s’en approche. En effet, de même que la présence de cette table, qui nous procure de grands et ineffables biens, ne fait que condamner davantage ceux qui ne les reçoivent pas, ainsi ces mystères ne servent qu’à assurer un plus terrible supplice à ceux qui y participent indignement. Mais pourquoi mange-t-il son jugement ? « Ne faisant point le discernement du corps du Seigneur » ; c’est-à-dire, n’examinant pas, ne considérant pas, comme il faudrait le faire, la grandeur des biens qui nous sont proposés, et l’excellence du don. Si vous appliquez tous vos soins à comprendre quel est celui qui se livre, et àqui il se livre ; vous n’aurez pas besoin d’une autre raison. Cette réflexion vous suffira pour vous tenir en éveil, à moins que vous ne soyez tombés dans une léthargie bien profonde. « C’est pour cette raison qu’il y a parmi vous beaucoup de malades et de languissants, et que plusieurs dorment du sommeil de la mort (30) ». Ici, l’apôtre n’emprunte plus des exemples étrangers, comme il l’a fait au sujet des viandes consacrées aux idoles. On l’a entendu alors raconter les vieilles histoires, les plaies infligées dans la solitude. Il prend ses exemples chez les Corinthiens eux-mêmes ; ce qui donnait plus de force à son discours. Après avoir dit : « Mange son jugement et se rend coupable », ne voulant pas paraître produire uniquement des paroles, il y joint des faits ; il prend les Corinthiens eux-mêmes à témoin, et, argument plus vif et plus pénétrant que les menaces, il montre que les menaces sont devenues des réalités. Et il ne se borne pas à ce spectacle, il parle aussitôt de l’enfer, et il le prouve, et il inspire une double terreur, et il résout une question dont on s’occupait partout. Le peuple se demande, en effet, d’où viennent les morts prématurées, d’où viennent les maladies interminables ; l’apôtre répond que tant de coups imprévus ont pour cause le péché.
2. Quoi donc, me direz-vous, ceux qui se portent toujours bien, et qui parviennent à une vieillesse vigoureuse, ne sont-ils pas, eux aussi, des pécheurs ? Qui soutiendrait le contraire ? Eh bien donc, me direz-vous, pourquoi ne sont-ils pas punis ? parce qu’ils le seront plus tard, d’une manière plus terrible. Quant à nous, si nous le voulons, ni sur cette terre, ni ailleurs, nous ne serons punis. « En effet, si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu (31) ». L’apôtre ne dit pas, si nous nous corrigions nous-mêmes, si nous nous imposions un châtiment, il se borne à dire : Si nous voulions reconnaître nos péchés, si nous voulions nous-mêmes réprouver nos mauvaises actions, nous serions affranchis et du supplice présent et du supplice à venir. Car celui qui se condamne lui-même, apaise Dieu à double titre : et parce qu’il reconnaît ses péchés, et parce que dans la suite il est moins prompt à en commettre d’autres. Eh bien, quoique nous ne nous soumettions pas même à cette légère obligation, le Seigneur, même malgré notre négligence, ne veut pas nous envelopper dans le châtiment universel ; il nous fait grâce en nous punissant, ici-bas, sur cette terre, où le supplice est momentané, et renferme une grande consolation. Car c’est, à la fois, l’affranchissement du péché, et le doux espoir du bonheur à venir, si bien fait pour adoucir les épreuves du temps présent. Voilà ce que dit l’apôtre pour consoler les infirmes, et pour ranimer, en même temps, le zèle des autres. De là, ses paroles : « Mais lorsque nous sommes jugés de la sorte, c’est le Seigneur qui nous reprend (32) ». L’apôtre ne dit pas : Qui nous châtie ; il ne dit pas : Qui nous livre au supplice, mais : « Qui nous reprend », ce qui ressemble bien plus à un avertissement qu’à une condamnation ; à un remède qu’à un supplice ; à une correction qu’à un châtiment.
Et l’apôtre ne se contente pas de ces paroles ; mais, en montrant la peine plus terrible dont nous sommes menacés, il nous rend plus légère encore la peine présente : « Afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde ». Voyez-vous comme il nous fait voir