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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/497

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elle ne garde pas non plus le silence, elle ne l’effleure pas en courant, mais elle y touche d’une manière émouvante, elle l’indique par ces mots : « Et moi vagabonde, esclave, de lieu en lieu, de maison en maison, courant partout ». C’est ainsi qu’elle indique la perte et d’une manière tout à fait lamentable, car ces paroles mêmes grossissent le malheur : Je vais, dit-elle, aux portes des autres ; et non seulement je mendie, mais encore je suis errante, je subis une servitude inattendue, nouvelle, allant de côté et d’autres partout, promenant partout les signes de mon malheur, montrant à tous les maux qui m’ont frappée ; et ce qu’il y a de plus lamentable, c’est le perpétuel changement de demeure. Et ces lamentations ne s’arrêtent pas là, elle ajoute : « Attendant le coucher du soleil, je me reposerai des travaux et des douleurs qui m’entourent et me retiennent captive ». Ce qui est un charme pour les autres, l’aspect de la lumière, est un fardeau pour moi ; je désire la nuit et les ténèbres ; elles me donnent le repos après mes sueurs ; elles sont dans mes malheurs ma seule consolation. « Mais maudissez le Seigneur et mourez ».
5. Remarquez-vous ici encore la malignité elle n’introduit pas tout de suite dans le conseil qu’elle lui donne cette funeste exhortation ; elle commence par un récit lamentable de toutes ses douleurs, elle développe la tragédie, quelques paroles lui suffisent pour l’exhortation. Et elle ne s’exprime pas clairement ; elle l’insinue, elle lui propose ce qu’il y a de plus désirable, la délivrance, elle lui parle de la mort qui était le plus cher de ses vœux. Et concluez encore de là la perfide habileté du démon ; il connaissait l’amour de lob pour Dieu ; il ne laisse pas la femme accuser Dieu de peur que Job ne l’écarte tout de suite loin de lui comme une ennemie. Aussi n’en parle-t-elle nulle part, mais elle présente le tableau confus de tout ce qui est arrivé. Quant à vous maintenant, outre tout ce qui a été dit, ajoutez que l’auteur de ce conseil, c’était une femme, orateur entraînant, pour séduire ceux qui ne sont pas sur leurs gardes. Nombre de gens, certes, sans même être frappés par les malheurs, sont tombés par le seul conseil des femmes. Que fait donc ce bienheureux Job plus fort que le diamant ? Il lui suffit de jeter sur elle un regard sévère et à première vue, avant de faire entendre sa voix, il a renversé les machines de Satan. Cette femme s’attendait à voir jaillir des sources de larmes, mais Job plus fougueux qu’un lion, se montra plein de colère et d’indignation non à cause de ses souffrances, mais à cause des conseils, inspirés du démon, que sa femme lui transmettait. Il lui suffit de sa manière de la regarder pour montrer son indignation, et il la réprimande avec mesure. En effet, même au sein du malheur il gardait la modération. Que lui dit-il ? « Vous avez parlé comme une femme qui n’a point de sens ». (Job. 2,10)
Ce n’est pas là, dit-il, ce que je vous ai enseigné, ce n’est pas là ce que je vous ai appris ; je ne vous reconnais pas pour ma compagne ; ces discours dénotent une femme insensée, ce conseil tient du délire. Comprenez-vous cette manière de trancher dans le mal avec mesure, cette cure suffisante pour la guérison ? Après la réprimande, il apporte le conseil qui peut la consoler, et il prononce ces paroles si raisonnables : « Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, n’en recevrons-nous pas aussi les maux ? » Ressouvenez-vous, lui dit-il, de ces premiers biens, méditez en vous-même sur celui qui vous les a faits, et vous supporterez avec courage l’épreuve présente. Avez-vous compris cette modération ? Ce n’est pas à son courage que Job attribue sa patience ; il la montre comme une conséquence de la nature des choses. En effet, pour quelle rémunération de notre part Dieu nous a-t-il donné ces biens ? En récompense de quoi ? En récompense de rien, par un effet de sa seule bonté. C’était un don et non une rétribution ; c’était une faveur et non une rémunération. Supportons donc avec force nos malheurs ; gravons cette parole dans nos cœurs, hommes et femmes gravons ces pensées dans notre âme, et, avec ces pensées, les pensées qui précèdent. Fixons l’histoire de ces malheurs, comme un tableau dans notre imagination ; je dis : perte d’argent, fils frappés de mort, plaies du corps, opprobres, dérisions, artifices d’une femme, pièges du démon, en un mot, toutes les douleurs de ce juste. Que ce soit pour nous comme un port préparé où nous chercherons un refuge, qui nous enseigne à tout supporter avec courage, en rendant à Dieu des actions de grâces, afin de passer la vie présente affranchie de toute tristesse ; afin de mériter la récompense réservée à qui bénit Dieu, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur