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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/500

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Vous pouvez donc, à ces marques, sans attendre l’événement, faire la distinction du devin et du prophète. Et voyez comment l’apôtre rend son discours non suspect ; il appelle en témoignage ceux-mêmes que l’expérience a pu instruire ; je ne mens pas, dit-il, je n’accuse pas au hasard les païens ; je ne suis pas un ennemi qui forge des histoires ; soyez vous-mêmes mes témoins ; car vous savez bien vous-mêmes qu’étant païens, vous vous laissiez entraîner. Si on soupçonne leur témoignage parce que ce sont des fidèles, eh bien ! l’emprunterai aux hommes qui sont hors de l’Église, un témoignage qui sera une preuve éclatante. Écoutez donc Platon qui dit formellement que les devins, et ceux qui rendent des oracles, disent souvent de fort belles choses, mais sans avoir conscience des paroles qu’ils prononcent. Écoutez aussi un autre poète faisant la même observation : Il s’agit d’un homme, qu’après certaines initiations et pratiques superstitieuses, on avait livré au démon ; cet homme faisait entendre des prédictions, mais, dans tout le cours de ses prédictions, il était violemment renversé, déchiré, incapable de supporter la violence du démon ; brisé, rompu, il allait rendre l’âme, il s’écrie, en s’adressant à ceux qui présidaient à cette magie : \q2 Assez, car un mortel ne soutient pas un Dieu. \q Et encore : \q2 Assez, au lieu de fleurs épanchez l’onde pure \q2 Sur mes pieds ; baignez-moi, rendez-moi ma nature. Ces paroles et d’autres semblables (il en est un grand nombre que l’on pourrait citer) nous montrent deux choses à là fois : la nécessité, qui contraint les démons à la servitude ; la violence subie par ceux qui se sont une fois livrés au démon, et qui sont sortis de l’état naturel de leur âme. Quant à la Pythie (je suis bien forcé d’étaler encore une autre honte des païens, il vaudrait mieux n’en pas parler ; il est peu convenable, pour nous, de nous occuper de pareilles aberrations ; il est pourtant nécessaire de mettre au jour ces infamies, afin de vous faire comprendre le délire de cette conduite, le ridicule de ceux qui ont recours aux devins) ; donc on rapporte que cette femme, la, Pythie, s’asseyait sur le trépied d’Apollon, les jambes écartées ; ensuite l’esprit pervers, s’échappant de l’enfer, per genitales ejus partes subiens, la remplissait de son délire, et alors la malheureuse, les cheveux épars, comme une bacchante, écumait, et c’est dans cet état qu’elle faisait entendre les paroles de son ivresse furieuse ; je sais bien que vous avez honte, que vous rougissez à de tels récits, mais voilà la haute sagesse de ces païens, cherchez-la dans ce honteux délire.
2. C’est donc pour corriger ces habitudes et toutes celles du même genre, que Paul disait : « Vous vous souvenez bien qu’étant païens, vous vous laissiez entraîner, selon qu’on vous menait vers les idoles muettes ». Et, comme il s’adressait à des auditeurs parfaitement instruits, il n’insiste pas sur tous les détails, il ne veut pas les fatiguer ; il se contente de leur rappeler les faits en général, et aussitôt il termine et reprend ce qu’il s’est proposé. Maintenant que signifie : « Vers les idoles muettes ? » Ces devins étaient traînés vers ces idoles, mais si elles étaient muettes, comment pouvaient-ils s’en servir ? Pourquoi le démon entraînait-il auprès de ces statues ces malheureux, captifs et enchaînés ? Le démon voulait, par là, donner, à l’imposture, une certaine vraisemblance. Il ne fallait pas que la pierre parût muette ; il s’efforçait donc d’y attacher des hommes pour qu’on pût attribuer aux idoles les discours que ces hommes faisaient entendre. Mais il n’en est pas de même chez nous ; nous ne devons rien au démon, je veux dire que nous ne lui devons pas les paroles de nos prophètes. En effet, dans leurs discours, tout exprimait ce qu’ils voyaient clairement ; dans leurs discours, la prophétie, pleine de décence, avait conscience d’elle-même et s’exprimait en toute liberté, Aussi était-il en leur pouvoir, et de parler et de ne pas parler-, nulle nécessité ne les contraignait ; ils avaient en partage, et la puissance, et l’honneur de cette puissance. Voilà pourquoi Jonas prend la fuite ; pourquoi Ézéchiel, diffère ; pourquoi Jérémie refuse. Dieu n’exerce pas sur eux de contrainte, il agit par conseils, par exhortations, par des menaces ; il ne répand pas de ténèbres dans leur esprit. C’est le propre du démon d’exciter le tumulte, le délire, de répandre dans les âmes l’obscurité ; Dieu au contraire illumine ; il enseigne en faisant comprendre à l’esprit ce qu’il faut. Voilà donc la première différence entre le devin et le prophète.