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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/509

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perdre courage ; car, entre nous, il n’y a pas de place pour la différence. Si le Seigneur a jugé dignes des mêmes avantages, et les païens et les Juifs, et les esclaves et les hommes libres, comment, après les avoir ainsi honorés, les séparerait-il, lorsque ses dons ne vont qu’à produire une plus étroite et plus solide union ? « Et nous avons tous été abreuvés d’un seul et même Esprit. Aussi le corps « n’est pas un seul membre, mais plusieurs (14) » ; c’est-à-dire : Nous sommes venus à la même initiation dans les mystères ; nous jouissons de la même table. Et, pourquoi ne dit-il pas : Nous nous nourrissons du même corps ; nous nous abreuvons du même sang ? c’est parce que le mot « Esprit » dont il s’est servi, marque à la fois, et le sang et le corps. Eu effet, par le sang et par le corps à la fois, nous nous abreuvons d’un seul et même Esprit.
Maintenant, il me paraît vouloir entendre cette effusion de l’Esprit, qui vient en nous, par le baptême, et avant les mystères. Quant à cette expression : « Nous avons tous été abreuvés », la métaphore est tout à fait de circonstance ; c’est comme si, parlant des plantes d’un verger, il disait : c’est la même source qui arrose tous les arbres, c’est la même eau ; de même ici, c’est du même Esprit que nous nous sommes tous abreuvés ; c’est de la même grâce que nous jouissons, dit l’apôtre. Donc, si c’est un seul et même Esprit, qui nous a faits ce que nous sommes, qui a fait de nous tous un seul et même corps, car c’est là ce que signifie : « Nous avons tous été baptisés dans le : même esprit pour n’être tous ensemble qu’un même corps » ; si Dieu, dans ses faveurs, nous a mis à une seule et même table, s’il a versé sur nous tous la même rosée, car c’est là ce que veut dire : « Nous avons tous été abreuvés d’un seul et même Esprit » ; s’il est vrai que, malgré l’intervalle si grand qui nous éloignait, le Seigneur nous a unis, et que la pluralité ne fait plus qu’un seul et même corps, quand elle a été réduite à l’unité, pourquoi cette différence dont vous venez me faire tant d’éclat ? Si vous dites maintenant que les membres sont nombreux et divers, apprenez que c’est là précisément ce qui constitue la merveille, l’excellence incomparable de ce corps, où tant de parties diverses produisent l’unité. Sans cette grande pluralité, il n’y aurait rien de si merveilleux, de si étrange, à ce qu’il y eût un seul et même corps. Je me trompe ; il n’y aurait pas même de corps ; mais c’est une réflexion que l’apôtre garde pour, la fin. En attendant, il s’occupe des membres mêmes et il dit : « Si le pied disait : puisque je ne suis pas la main, je ne suis pas du corps ; ne serait-il point pour cela du corps ? et si l’oreille disait : Puisque je ne suis pas l’œil, je ne suis pas du corps, ne serait-elle point pour cela du corps (45, 16) ? » En effet, si de ce que l’un est moins, et l’autre plus, il s’ensuivait que l’on pût dire : Je ne suis pas du corps, tout le corps serait détruit. Gardez-vous donc de dire : je ne suis pas du corps, parce que je suis moindre : sans doute le pied est d’un rang inférieur, mais il appartient au corps. Être ou n’être pas du corps, ne provient pas de ce que l’un occupe telle place, l’autre, telle autre place ; il n’y a là qu’une différence de lieu ; être ou n’être pas du corps, résulte de ce qu’on y est uni ou de ce qu’on n’y est pas uni.
Considérez la sagesse de l’apôtre, l’appropriation de ses expressions, si bien accommodées à nos membres ; de même qu’il disait plus haut : « J’ai proposé ces choses sous mon nom et sous celui d’Apollon » (1Cor. 4,6) ; de même ici, pour ne pas blesser, pour rendre son discours acceptable, il fait parler les membres, il veut que ses auditeurs, entendant la nature qui répond, soient convaincus par l’expérience, par le bon sens, et n’aient plus rien à lui objecter. En effet, dit l’apôtre, soit que vous affirmiez d’une manière précise que vous n’êtes pas du corps, soit que vous murmuriez, vous ne pouvez pas être en dehors du corps. Semblable à la loi de la nature, la vertu de la grâce, et celle-ci est bien plus forte encore, protégé et conserve toutes choses. Et voyez la précaution que prend l’apôtre, de ne rien dire d’inutile ; il ne parle pas de tous les membres, mais de deux seulement, et de deux extrêmes ; il montre, en effet, le plus précieux de tous, l’œil, et le plus vil de tous, le pied ; et il ne montre pas le pied disputant avec l’œil, mais avec la main, qui n’est qu’un peu plus élevée ; l’oreille, il la montre disputant avec l’œil : c’est que ceux à qui nous portons envie d’ordinaire, ce ne sont pas ceux qui nous surpassent de beaucoup, mais ceux qui ne sont qu’un peu plus élevés. Voilà pourquoi il établit ainsi la comparaison. « Si tout le