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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/511

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tous le même don que vous êtes un corps, et parce que vous êtes un corps, vous êtes tous un seul et même tout, et rien ne vous distingue l’un de l’autre, en tant que vous êtes un corps. D’où il arrive que c’est la différence considérable entre vous qui produit surtout votre égalité d’honneur, et voilà pourquoi l’apôtre ajoute : « Mais il y a plusieurs membres, et tous ne sont qu’un seul corps ».
Pénétrés, nous aussi, de ces pensées, bannissons tout sentiment d’envie,.ne soyons pas jaloux de ceux qui possèdent de plus grands dons ; ne méprisons pas ceux qui en ont reçu de moindres, car c’est ainsi que Dieu l’a voulu ; cessons donc de nous insurger. Si le trouble est encore dans vos pensées, considérez que souvent celui à qui vous portez envie, ne saurait accomplir ce que vous savez faire, d’où il suit qu’inférieurs à lui, vous le surpassez à ce titré ; que supérieur à vous, à ce titre il est vaincu par vous, et que c’est là ce qui constitue l’égalité. En effet, dans le corps même, les membres modestes n’accomplissent pas de modestes fonctions, et souvent, en cessant de les remplir, ils affaiblissent les membres importants. Quoi de moins considérable que les poils à la surface du corps ? eh bien, ces poils chétifs, enlevez-les des sourcils et des paupières ; et c’en est fait de toute la beauté du visage, de la beauté des yeux. La perte est légère, et cependant toute la beauté du visage est détruite, et non seulement la beauté, mais ce qu’il y a d’utile dans l’activité des yeux est compromis ; car chacun de nos membres accomplit une fonction d’un caractère spécial et une fonction d’un caractère commun ; nous avons aussi en nous une beauté qui nous est propre, et une qui nous est commune. Ces membres paraissent divisés ; ils sont pourtant unis avec le plus grand soin ; que l’un périsse, et l’autre périt en même temps. Voyez encore : il faut que les yeux soient brillants, la joue souriante, la lèvre rouge, le nez droit, le sourcil étendu ; dérangez, si peu que ce soit, le moins important de ces détails, vous compromettez la beauté commune, et vous ne verrez que laideur dans tout ce qui apparaissait auparavant avec tant de beauté. Écrasez l’extrémité du nez, et vous répandez la laideur sur tout l’ensemble du corps, quoique vous n’ayez mutilé qu’un seul membre. Et maintenant, dans la main, enlevez. Simplement l’ongle d’un doigt, vous verrez le même résultat.
4. En voulez-vous une preuve empruntée à l’opération même de la main ? Supprimez un doigt, rien qu’un, et vous verrez les autres réduits à l’inaction, incapables désormais d’accomplir leur œuvre ; donc, puisque la perte d’un seul membre est pour tout le corps une difformité, puisque, au contraire, la conservation de ce membre conserve la beauté de tout le reste, ne nous exaltons pas, n’insultons pas nos frères. C’est ce membre chétif qui donne, à cet autre membre si grand, l’éclat de sa beauté, ce sont les paupières qui ornent les yeux. C’est donc se faire la guerre à soi-même que de la faire à son frère ; car on ne fera pas du mal seulement à son frère, mais à soi-même, et le dommage sera grand. Faisons en sorte que nous prévenions de pareils malheurs ; ayons, pour nos proches, autant d’égards que pour nous-mêmes. Cette image prise du corps, transportons-la à l’Église, et prenons soin de tous ses membres, comme de nos propres membres. En effet, il y a dans l’Église des membres nombreux et divers ; les uns recouverts d’honneur, les autres inférieurs par le rang ; tels sont les chœurs des vierges, les assemblées des veuves ; ajoutons-y encore les chastes communautés des époux, il y a de nombreux degrés pour monter à la vertu. Et de même, en ce qui concerne l’aumône : l’un a prodigué, dépensé tous ses biens, d’autres ne pensent qu’à s’assurer ce qui suffit à leurs besoins, sans rechercher plus que le nécessaire ; d’autres donnent de leur superflu. Qu’arrive-t-il ? C’est que tous s’embellissent mutuellement les uns les autres ; si le plus grand méprise le plus petit, c’est à lui-même qu’il fait la plus cruelle blessure ; si une vierge outrage une femme mariée, elle perd une grande partie de sa récompense ; si celui qui a tout donné, fait des reproches à l’homme qui ne l’a pas imité, il a perdu en grande partie le fruit de ses mérites.
Et que parlé-je de vierges, de veuves et d’hommes qui donnent tous leurs biens aux pauvres ? Quoi de plus misérables que les mendiants ? et cependant ces mendiants mêmes sont de la plus grande utilité dans l’Église ; attachés aux portes du temple, ils en font le plus bel ornement ; sans eux l’Église ne se montrerait pas dans sa plénitude. Dès les premiers temps, les apôtres possédés de ces pensées,