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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/512

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établirent, entre tant d’autres lois, la loi concernant les veuves ; et ils le firent avec tant de zèle qu’ils mirent sept diacres à leur tête. De même que je compte les évêques, les prêtres, les diacres, les vierges, ceux qui gardent la continence ; de même, au nombre des membres de l’Église, j’inscris les veuves. Leurs fonctions ne sont pas sans dignité ; vous, vous ne venez à l’église que quand il vous plaît, les veuves, c’est jour et nuit qu’elles séjournent dans l’église, en chantant des psaumes ; et ce n’est pas seulement l’aumône qui les y retient ; elles n’auraient qu’à le vouloir pour aller mendier dans le forum et dans les ruelles ; mais elles apportent ici une piété qu’il ne faut pas dédaigner. Voyez, elles sont dans la pauvreté comme dans une fournaise, et cependant vous n’entendrez de leur bouche aucun blasphème, aucune parole d’indignation, ce que tant de femmes riches se permettent si souvent. Ces veuves qui ont faim, on les voit souvent dormir ; d’autres sont continuellement tourmentées par le froid, et cependant leur vie se passe à rendre à Dieu des actions de grâces, à le glorifier. Qu’on leur donne une obole, elles vous bénissent, leurs prières implorent l’effusion des biens sur celui qui leur a donné ; qu’on ne leur donne rien, elles se résignent, et même alors, elles bénissent, elles accompagnent l’indifférent de leur affection, en se contentant de leur nourriture journalière.
Bon gré, mal gré, direz-vous, il faut bien qu’elles se résignent. Pourquoi, répondez-moi, pourquoi prononcez-vous cette parole si amère ? N’y a-t-il donc pas des industries honteuses, lucratives pour les vieillards, pour les femmes chargées du poids des ans ? Si elles ne tenaient pas à vivre dans l’honnêteté, ne pouvaient-elles pas, par ces moyens honteux, se procurer l’abondance ? Ne voyez-vous pas combien grand est le nombre des fournisseurs de voluptés et de ceux qui à cet âge vendent des plaisirs, exercent les professions de ce genre ? Leur vie se passe dans les délices ; mais, pour nos pauvres, non. Ils aiment mieux mourir de faim, que de déshonorer leur vie, que de trahir leur salut, et ils restent assis, tant que le jour dure, préparant votre salut à vous. Car il n’est pas de médecin, de chirurgien à l’œuvre, le fer à la main, enlevant les chairs putréfiées, qu’on puisse comparer aux pauvres, étendant la main pour recevoir l’aumône, et guérissant en vous les passions qui vous gonflent ; chose admirable encore, ils opèrent sur vous sans douleur cette excellente médication. Et tout autant que nous, qui sommes à la tête du peuple et vous donnons d’utiles avertissements, celui que vous voyez assis devant les portes de l’église vous parle par son silence, par son aspect. Car nous, chaque jour nous vous répétons : abaisse ton orgueil, ô homme, l’homme ne fait que passer ; sa nature est fragile, la jeunesse se hâte vers la vieillesse ; la beauté vers la laideur ; la force vers la faiblesse, l’honneur devient mépris ; la santé, infirmité ; la gloire, un état misérable ; les richesses, de la pauvreté ; semblables à un courant impétueux, tout ce que nous sommes est sans consistance, et se précipite dans un abîme.
5. Et voilà ce que vous disent les pauvres, et ils vous en disent bien plus encore, vous parlant par l’expérience même, ce qui est la plus claire des exhortations. Combien y en a-t-il, de ceux qui sont assis à ces portes, dont la jeunesse fut florissante, et qui ont fait de grandes choses ! Combien y en a-t-il, de ces disgraciés, qui, par la vigueur de leurs membres et par leur beauté, en surpassèrent bien d’autres ! Ne refusez pas de me croire, et gardez-vous de rire. Les exemples de ce genre sont innombrables ; ils remplissent la vie ; si tant de misérables d’une condition abjecte, sont devenus rois tout à coup, qu’y a-t-il d’étonnant que de grands personnages, comblés de gloire, soient devenus vils et misérables ? Le premier exemple certes a bien plus de quoi étonner ; quant au dernier, c’est une histoire qui se renouvelle très souvent. Aussi n’y a-t-il pas lieu de refuser de croire que, dans les arts, dans la profession militaire, dans l’ordre de la fortune, quelques-uns de ces malheureux d’aujourd’hui aient été autrefois florissants ; nous devons les plaindre, les couvrir de toute notre sympathie, de notre affection, et, à leur vue, redouter de subir un jour nous-mêmes le même sort. En effet, nous sommes, nous aussi, des hommes, et soumis à la même rapidité de changement. Mais peut-être un de ces insensés pour qui la raillerie est une habitude, critiquera nos paroles et parodiera tout notre discours ; et jusques à quand, dira-t-il, vous appliquerez-vous à discourir sans relâche sur les pauvres et les indigents, et à nous prédire des sinistres, et à