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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/513

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nous annoncer d’avance la pauvreté, n’ayant d’autre souci que de faire de nous des mendiants ? Non, non ; mon souci n’est pas de faire de vous des mendiants, ô hommes ; je brûle de vous ouvrir les trésors du ciel. Parler à un homme bien portant de maladie, raconter les douleurs des malades, ce n’est pas pour que la santé devienne une maladie ; c’est pour que la santé se conserve ; c’est pour que la crainte des malheurs arrivés aux autres corrige la négligence et l’incurie. La pauvreté vous épouvante, le nom seul vous fait frissonner ; eh bien ! voilà ce qui nous rend pauvres ; c’est que nous craignons la pauvreté, eussions-nous même dix mille talents. Le pauvre n’est pas celui qui n’a rien ; c’est celui qui a horreur de la pauvreté ; dans les malheurs, nous ne pleurons pas sur ceux qui souffrent des maux sans nombre ; ce ne sont pas là ceux que nous estimons malheureux, mais ceux qui ne savent pas supporter les malheurs, quelque faibles qu’ils soient ; et nous disons que celui qui les souffre avec patience, mérite et couronnes et gloire.
Et pour prouver que c’est là la vérité, quels sont, dans les luttes, ceux qui reçoivent nos éloges ? Sont-ce les combattants qui souffrent mille coups sans se plaindre, qui, toujours la tête haute, restent jusqu’au bout à leur poste, ou ceux à qui les premiers coups font prendre la fuite ? Est-ce que nous ne couronnons pas les premiers pour leur courage, pour leur grandeur d’âme ? Ne sait-on pas qu’au contraire nous nous moquons des autres, de leur lâcheté, de leur timidité ? Eh bien donc, faisons de même dans les choses de cette vie. Couronnons celui qui supporte tout sans se plaindre, comme on couronne le brave dont la valeur se montre dans tous les combats. Mais le timide, que les difficultés de la vie font trembler, plaignons-le ; pleurons celui qui, avant de recevoir le coup, se meurt de frayeur. Supposez en effet dans les combats, un homme qui, avant que la main se soit levée, à la vue de son adversaire étendant le bras, s’enfuit avant de recevoir le coup ; il sera ridicule, on dira que c’est un énervé, un mou, un ignorant, étranger aux nobles labeurs. C’est l’histoire de ceux qui craignent la pauvreté, sans pouvoir même en soutenir la pensée. Donc, ce n’est pas nous qui vous rendons malheureux ; c’est vous-mêmes qui vous faites cotre malheur. Et comment par la suite le démon ne se moquera-t-il pas de vous, s’il vous voit, avant d’avoir été frappés, rien que sous le coup des menaces, effarés et tremblants ? Ce n’est pas tout : il suffit que vous redoutiez une pareille menace, pour qu’il n’ait plus besoin de vous frapper ; il souffrira que vous possédiez vos richesses, puisque la crainte de vous les voir enlever, vous rendra plus mous que la cire. Voilà notre caractère. On peut dire que ce qui nous fait peur, ne nous paraît plus, après l’expérience, aussi terrible qu’avant que nous l’ayons éprouvé. Le démon, pour vous priver de cette force que donne l’expérience, vous retient dans une crainte excessive, et, avant l’expérience, par la crainte de la pauvreté, il vous amollit comme la cire. Un tel homme, plus inconsistant que la cire, est plus misérable que Caïn ; il craint pour ce qu’il possède, et il s’afflige pour ce qu’il ne possède pas. Et pour ce qu’il possède, il tremble encore et il s’épuise à retenir ces richesses fugitives, et son cœur est assiégé par mille absurdes passions. Voyez plutôt : désirs absurdes, frayeurs variées, angoisses, tremblement ; voilà ce qui tourmente de tous côtés les avares. On dirait une barque agitée par tous les souffles contraires, assiégée de toutes parts au sein des flots. Et combien il vaudrait mieux, pour un tel homme, de mourir, que de supporter cette perpétuelle tempête ; car il valait mieux pour Caïn de mourir que de trembler toujours.
Eh bien donc, préservons-nous de pareilles souffrances ; raillons-nous des artifices du démon ; brisons ces cordages, émoussons la pointe de sa lance funeste ; interdisons-lui tout accès auprès de nous. Si vous tournez la fortune en dérision, il ne sait par où vous frapper, il ne sait par où vous prendre. Vous avez arraché la racine des maux, et la racine étant ôtée, le mauvais fruit ne germera plus. Disons-le toujours, et ne cessons pas de le redire : nos discours produisent-ils leur fruit ? C’est ce que manifestera ce jour qui sera révélé dans le feu, qui examinera l’œuvre de chacun, qui montrera les lampes brillantes, et celles qui ne le sont pas. Alors on verra qui a de l’huile, et qui n’en a pas. Mais plaise à Dieu que personne ne soit trouvé dépourvu de cette consolation ; que tous puissent montrer les preuves de la munificence divine, et, porteurs de lampes brillantes, faire leur entrée avec l’époux ! Certes, il n’est rien