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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/522

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Dieu a établi dans son Église des prophètes, ou des apôtres ; il a ajouté « premièrement, secondement, troisièmement », pour mettre, comme je l’ai dit, chacun à sa place. « Secondement les prophètes ». Des prophètes, comme les filles de Philippe, comme Agabe, comme ces prophètes de Corinthe, auxquels il fait allusion en ces termes : « Que deux ou trois prophètes élèvent la voix ». (1Cor. 14,29) Et, dans une épître à Timothée, il disait : « Ne néglige pas la grâce, le don de prophétie qui est en toi ». (1Tim. 4,14)
Il y avait bien plus de prophètes dans l’Église du Christ que sous l’ancienne loi. Ce n’était pas entre les mains de dix, de vingt, de cinquante, de cent privilégiés que le don de prophétie se trouvait concentré ; cette grâce se trouvait répandue sur une foule de têtes, et chaque Église comptait un grand nombre de prophètes. Quand le Christ dit : « La loi et les prophètes jusqu’à saint Jean » (Mt. 2,13), il parle des prophètes qui ont précédé sa venue. « Troisièmement les docteurs ». Le prophète est inspiré par l’Esprit-Saint. Le docteur suit souvent ses propres inspirations. C’est ce qui faisait dire à l’apôtre : « Les bons prêtres sont doublement honorables ; surtout quand ils se servent, dans leurs travaux, de la parole et de la science ». (1Tim. 5,17) Mais l’homme qui parle sous l’inspiration du Saint-Esprit, ne travaille pas. Aussi saint Paul a-t-il mis le docteur après le prophète. La parole du prophète est un présent divin ; la parole du docteur est due au travail de l’homme. La voix du docteur s’accorde avec celle des saintes Écritures ; mais c’est sa propre science qui parle par sa bouche. Viennent ensuite « ceux qui opèrent des, miracles, ceux qui ont le don de guérir ». Voyez-vous la distinction qu’il établit ici ; comme plus haut ? C’est que le don des miracles est plus grand encore que le don de guérison. Celui qui peut faire des miracles châtie et guérit ; celui qui a le don de guérir n’est qu’un médecin. Et voyez combien il a raison de mettre le don de prophétie avant le don des miracles et le don de guérison. Quand il disait plus haut : Les uns ont reçu du Saint-Esprit la parole de la sagesse ; les autres la parole de la science ; il n’observait pas de hiérarchie, il ne distinguait pas. Mais ici, il assigne des rangs. Pourquoi donne-t-il le premier au don de prophétie ? C’est que l’Ancien Testament fait de même. Quand Isaïe s’adressait aux Juifs pour leur démontrer la puissance de Dieu, et la bassesse des démons, en passant, il disait que la divinité se manifestait surtout par la prophétie. Le Christ, qui avait opéré tant de miracles, ne dédaigne pas cette manifestation de sa divinité, et souvent il termine ainsi ses discours : « Je vous ai dit ces choses, afin que, lorsqu’elles s’accompliront, vous croyiez en moi ». (Jn. 13,19) C’est ; donc à juste titre que le don de guérison ne vient qu’après le don de prophétie. Mais pourquoi cède-t-il aussi le pas à la science des docteurs ? C’est que ce n’est pas la même chose d’annoncer la parole de Dieu, de semer la religion dans les âmes ou de faire des miracles ; car les miracles mêmes s’opèrent en vue de la parole de Dieu.
2. Lors donc qu’on instruit par sa parole et, par son exemple, on est au-dessus de tous. Les docteurs, selon saint Paul, sont ceux dont la conduite, comme la parole, est un enseignement. Voilà aussi ce qui fait les apôtres. Quelques-uns de ces dons ont, dans l’origine, été le partage de quelques hommes indignes. Témoin ceux qui disaient : Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N’avons-nous pas fait des miracles ? Mais il leur fut répondu : « Jamais je ne vous ai connus ; loin d’ici, vous qui faites des œuvres d’iniquité ». (Mt. 7,22, 23) Ce double enseignement de la parole et de l’exemple ne saurait être l’apanage du vice. S’il donne un rang si distingué aux prophètes, ne vous en étonnez pas. Il ne parle pas ici de ceux qui se bornent à prophétiser, mais des hommes dont les prophéties sont des enseignements dictés par l’intérêt public. C’est ce qui devient encore plus clair, quand il dit : « Ceux qui ont le don d’assister leurs frères, ceux qui ont le don de gouverner ». Qu’est-ce que « l’assistance ? » C’est la protection accordée à la faiblesse. Mais, dites-moi, c’est donc là une grâce divine ? Oui, sans doute, c’est une grâce divine que le pouvoir de protéger, de dispenser les secours spirituels. D’ailleurs l’apôtre donne le nom de grâces à beaucoup de choses qui sont des actes de vertu. Il ne veut pas nous laisser tomber dans l’abattement ; il veut nous montrer que toujours nous avons besoin de la main de Dieu. Par là il nous dispose à être reconnaissants envers lui, il enflamme notre cœur et élève nos sentiments. « Ceux qui ont le don des langues ». Voyez-vous la place qu’il accorde à ce don, et comme