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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/524

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aux uns, refusées aux autres. Il s’agit d’une grâce universelle. Il invite donc tout le monde à y prendre part ; car il dit : « Montrez-vous jaloux d’acquérir les dons qui sont les meilleurs, et je vais vous montrer une voie plus excellente encore ». C’est de la charité envers le prochain qu’il veut parler. Puis, avant d’aborder ce qui concerne cette vertu et d’en faire un pompeux éloge, il lui compare les autres dons spirituels et il en fait bon marché, en montrant que sans la charité ils ne sont rien, et c’est ici que brille sa haute sagesse. Car s’il avait à l’instant même entamé le chapitre de la charité, si, après ces mots : « Je vais vous montrer la voie », il eût ajouté : Cette voie c’est la charité ; s’il n’eût pas, au moyen d’une comparaison, développé son idée, ses paroles auraient fait rire des disciples encore peu faits à ce langage et tout surpris de sa nouveauté. Aussi ne dit-il pas tout de suite le mot de l’énigme. Mais après avoir, par son accent de conviction, éveillé ses auditeurs, après avoir dit : Je vais vous montrer une voie plus excellente encore, après avoir excité leur curiosité, il n’entre pas tout de suite en matière ; mais il enflamme encore la curiosité de ses disciples. Il commence par passer tous les dons spirituels en revue, – pour montrer qu’ils ne sont rien sans la charité. Il fait voir à ses auditeurs combien il leur est nécessaire de s’aimer mutuellement, puisque c’est pour avoir négligé la charité qu’ils se sont attiré tous leurs maux. C’est le moyen de mettre dans tout son jour l’importance de cette vertu.
Les autres dons spirituels, en effet, loin de les réconcilier entre eux et de les attacher les uns aux autres, n’ont fait que les désunir. Mais la charité a concilié et uni ceux que les dons spirituels avaient divisés. Toutefois il ne proclame pas tout de suite cette vérité ; mais il va au-devant des désirs de ses auditeurs, en posant pour principe que cette vertu est par elle-même un don spirituel qui mène à tous les autres. Si donc vous ne voulez pas aimer votre frère par devoir, devenez charitable pour recevoir un témoignage plus grand que tous les autres de la bonté divine, et l’un de ses dons les plus magnifiques. Et voyez par où il commence. Il commence par le don qui excitait surtout l’admiration de son auditoire, par le don des langues, et, en parlant de ce don, il lui donne toute son étendue. Il ne dit pas : quand je parlerais des langues inconnues, mais : « Quand je parlerais les langues des hommes ». Qu’entend-il par ce mot « des hommes ? » Il veut dire : De tous les hommes qui sont dans l’univers. Et cette hyperbole ne lui suffit pas encore. Mais il en ajoute une autre plus énergique que la première, quand il dit : « Lors même que je parlerais le langage des anges, sans la charité, je ne serais qu’un airain sonore, une cymbale retentissante ». Voyez comme il exalte ce don, pour le rabaisser ensuite jusqu’à terre. Il ne s’est pas contenté de dire : Je ne serais rien ; il a dit : « Je ne serais qu’un airain sonore », c’est-à-dire, un métal insensible et sans âme. Mais que signifie ce mot. « un airain sonore ? » Cela veut dire qu’il ne proférerait que des paroles vaines, futiles et sans effet. Et non seulement, dit-il, ma parole serait mutile ; mais elle ennuierait et rebuterait bien des gens. Voyez-vous comme il assimile l’homme sans charité aux objets inanimés et insensibles. Maintenant, s’il parle du langage des anges, ce n’est pas qu’il veuille en faire des êtres matériels ; niais il veut dire : Quand je parlerais aussi bien que les anges, quand ils s’entretiennent ; je ne serais rien sans la charité. Que dis-je ? je serais à charge à mes auditeurs.
Ainsi, quand il dit ailleurs : « Devant lui fléchiront le genou tous les habitants du ciel, de la terre et des enfers », il n’a pas l’intention de représenter les anges avec des genoux et une charpente osseuse. Il veut exprimer, par les signes usités chez les hommes, une adoration grande et profonde. De même ici il appelle langue non pas un organe de chair, mais l’entretien des anges qu’il désigne par un mot appartenant au vocabulaire des hommes. Puis, afin de mieux faire goûter ses paroles, il ne s’arrête pas au don des langues ; il continue, en énumérant les autres dons spirituels et les rabaissant tous, quand ils ne sont pas accompagnés de la charité, il fait enfin le portrait de cette vertu et, se servant de l’amplification oratoire, il s’élève des dons les moins précieux aux dons les plus importants. Le don qu’il a placé au dernier degré de l’échelle des grâces, le don des langues, est celui par – lequel il commence, en arrivant, comme je l’ai dit, par une progression ascendante, aux dons les plus précieux. Après avoir parlé du don des langues, il passe au don de prophétie et dit : « Quand même j’aurais le don de prophétie », en exaltant ce don.